PERFORMANCE – RUN

samedi 17 septembre 2022


RUN

Performance
samedi 17 septembre 2022

Dans le cadre des Journée Européennes du Patrimoine 2022

> Nicolas Virey <
 
 
Performance sonore, Nicolas Virey, vielle et Émilie Labrégère, course à pied

Avec le soutien de Why Note • Ici l’Onde

 
« Run » est une performance de trente minutes entre un vielliste et une runneuse qui se joue de ses pas de course pour créer des sons, des rythmes en dialogue avec le joueur de vielle. La vielle est d’abord un instrument médiéval, traditionnel et populaire qui appelle à la danse. Ici, elle invite à la course par une proposition sonore débridée. La vielle est trafiquée, ou plutôt augmentée, donnant lieu à des registres sonores qui dépassent ceux qu’on lui connaît habituellement. La vielle est connue pour ce son « bourdon », elle habite l’espace, oriente le sens, tantôt sombre, tantôt lumineux et donne ainsi la couleur à la course.
 
La runneuse s’engage alors dans une course sonore et percussive, sondant l’imaginaire de celui qui regarde. Son rythme, lent, rapide, saccadé, sur le sable, dans la neige, dans l’escalier, sur un trottoir, dans la forêt, en proie à la fuite, surprise par un retard, dans l’exercice de l’ascension d’un mont, sont autant d’images à explorer. La runneuse évolue sur un socle carré d’un mètre, en surplace, à des rythmes différents, dans des ambiances diverses et avec des chaussures qu’elle changera progressivement, outils d’expériences sonores également : courir en talons aiguilles ne produit pas la même chose qu’en baskets ou en Moon Boots !
 
 

> Événement Facebook des Journées du Patrimoine <


Photographies: © Why Note • Ici l’Onde, 2022

HISTOIRES DE DIJON ET DE BOURGOGNE

9 septembre – 5 novembre 2022


HISTOIRES DE DIJON ET DE BOURGOGNE

Exposition
Du 9 septembre au 5 novembre 2022

Emma Riviera <

Emma Riviera est née en 1995 à Paris. Elle vit et travaille entre Marseille, Arles et Paris. Après une licence en cinéma, elle intègre l’École supérieure de photographie d’Arles en 2017. C’est grâce à cette double approche, entre cinéma et photographie, que son travail assume une force narrative particulière. L’image, bien que statique, ne l’est jamais vraiment, en donnant lieu à des séries qui se conçoivent toujours comme des explorations, des périples, des récits envoûtants aussi mouvementés et captivants que des documentaires.

Les histoires se construisent autour de la rencontre. Rencontre de l’autre, rencontre du spectateur, rencontre d’un territoire : l’altérité est au coeur de la démarche, dans une époque où la photographie est bien souvent tournée vers le “soi”.
Emma Riviera voyage dans les communes françaises que l’actualité néglige : de l’ambiance un peu surréelle de Fos-sur-Mer aux habitants de Niort avec leurs histoires fascinantes, en passant par les “sorcières”, les marginaux, les vagabonds, celles et ceux qui sont sortis d’un tissu social excluant.
Ce sont des modes de vie autres qu’urbains qui attirent l’objectif de la photographe. Éminemment sociale, tout en restant résolument poétique, la photographie d’Emma Riviera tisse un lien entre des vies éloignées.
Le processus de monstration est, lui aussi, voué au partage : lors de moments d’échange avec le public, la photographe raconte des souvenirs et des anecdotes.

Le style est spontané, au plus près de ses sujets et du réel. Sans fioritures, et pourtant rempli de délicatesse et d’attention envers celles et ceux qui acceptent de se dévoiler. Une photographie qui privilégie la simplicité, autant dans les moyens déployés que dans l’approche des sujets. Les clichés sont tendres, comme ces photos de famille où les grands-parents, avec leurs rides magnifiques, semblent surpris par le flash un peu trop fort. Ils affichent souvent des sourires timides et pourtant fiers, solennels et pourtant ironiques… ils ont tous la classe dans ces photographies intimistes aux couleurs saturées.
Dans son processus, Emma Riviera fait le choix du soin, de l’échange, et parfois même de la vulnérabilité et du grotesque. Ces récits sont ceux d’une exploration à la frontière entre la norme et la marge.

Résidente à la Villa Pérochon en septembre 2021, elle a entamé une pérégrination à travers des villes françaises en commençant par Niort. Elle transforme alors sa résidence dans le Marais Poitevin en virée touristique, en tirant le portrait des habitants et en les accompagnant de cartes postales qui retranscrivent leurs histoires. Un homme dangereux, un sex-shop poussiéreux, une légende locale.
Mais aussi de la station spatiale Mir, un gosse avec son chiot, une foire de tracteurs qui ressemble aux États-Unis. On plonge dans les chroniques de Niort comme dans un roman contemplatif, parsemé de mystère et enveloppé dans un silence surréel et parfois franchement drôle.

À l’été 2022, Emma Riviera poursuit sa résidence aux Ateliers Vortex à Dijon. C’est ici qu’elle continue son enquête photographique.
L’ambiance se fait plus sombre que lors du précédent voyage à Niort : nous sommes enveloppés dans une atmosphère qui côtoie l’étrange. Histoires de Dijon et de Bourgogne retranscrit l’ambiance envoûtante du Morvan. C’est dans cette région naturelle que s’est concentré le travail d’Emma Riviera, happée par les paysages vigoureux et enveloppants.
Pendant cette résidence, la photographe a arpenté les alentours de Dijon, à la rencontre de personnages et de lieux aux allures de Twin Peaks. Pascal, ancien cheminot et photographe, fasciné par la “poésie ferroviaire”, a parcouru la Bourgogne en long et en large. Il évoque la nuit où il a dû faire face au premier accident sur les rails, mais aussi la fois où il a rencontré un énigmatique chasseur de vipères… On croise ensuite René, l’aubergiste fan de Mitterrand (on découvrira que beaucoup de Morvandiaux sont fans de l’ancien Président, qui fut député non loin d’ici), qui a racheté l’intérieur d’un pub en style anglais pour décorer son auberge en hommage aux années qu’il a passées à Londres. Janine, qui connaît le Morvan comme ses poches, est gardienne de son histoire particulière… et de la recette d’un dessert rare, le crapiaux.
Entre maisons qui prennent feu, le retour du lynx, les champs de sapins de Noël et bien d’autres histoires, on pénètre dans un récit aux airs de réalisme magique sud américain. Le tout, au cœur d’une canicule omniprésente, étourdissante, irréelle.

Costanza Spina
Septembre 2022


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Photographies : © Siouzie Albiach, 2022

IN TWO V

19 janvier —
10 février 2024

 

TENTATIVES DE SAUVETAGE

« On ne peut naturellement déplorer que ce qui manque, ce qui a disparu – et dont nous est parvenu un quelconque vestige, un signe, parfois à peine plus qu’une rumeur, une trace à moitié effacée, les répercussions d’un écho ».

Judith Schalansky, Inventaire de choses perdues,
Ypsilon Éditeur, Paris, 2023, p. 17.

 

Emilie Soumba et Louis Simonnet sont tous·tes deux diplômé.es de l’Isba de Besançon, la première en juin 2022, le second l’année d’après. Leur travail ne s’était pas rencontré dans les espaces de l’école. Pourtant, il y a un effet d’évidence dans le dialogue proposé par les deux artistes aux Ateliers Vortex, affirmant par là, le propre même de l’évidence, à savoir qu’elle est le fruit d’un travail, d’une recherche, d’une construction.

L’exposition devient ainsi le lieu où se révèlent les lignes partagées du travail de chacun.e , autour

du geste de glaner dans le réel, ce qui n’a pas, peu ou plus de valeur, aux yeux des individus, des entreprises, de la société ;

du souci de la valorisation de ces choses (par la peinture, par la couleur, par l’ornementation, par le soin et l’attention qui leur sont accordés,…) ;

de la fabrique de paysages.

Comme un préambule, la juxtaposition d’une peinture de Louis Simonnet et d’une sculpture d’Emilie Soumba, en bas des escaliers qui conduisent à l’espace d’exposition, énonce ce qui les rassemble et ce qui les distingue. Elle pose également la proposition, joueuse, des deux artistes qui ont choisi, le temps de l’exposition, de créer des complémentarités entre leurs oeuvres : la sculpture de la série En passant d’Emilie Soumba pouvant presque s’insérer ou être issue des espaces de la toile présents en réserve dans le feuillage de l’arbre peint par Louis Simonnet, Sureau. Les médiums de prédilection de chaque artiste y sont également annoncés.

Mais si ce premier point de vue nous confronte, de près, à un paysage arboré et à un corps organico-artificiel, l’exposition ouvre des horizons plus vastes, entre ciel et mer, où les corps se sont, pour l’essentiel, éloignés ou absentés.

Entre ciel et mer

Une toile de parapente tombée du ciel prend des allures de canoé dégonflé.

Posée au sol, cette toile fuchsia teinte l’espace de l’exposition, réfléchit ses lumières, organise sa circulation, ménage des points de vue, pose le décor.

L’exposition en effet semble composer un paysage où s’affirment, distinctement, dans les toiles de Louis Simonnet, des représentations d’étendues lointaines, de mers, de cieux, que les sculptures d’Emilie Soumba réfléchissent et prolongent, parce qu’elles s’y trouvent associées.

Ainsi, face à la peinture Horizon représentant la lune sur toile bleue, les reliefs de la sculpture ronde en polypropylène de la série des Extractions liquides se transforment en cratères, et les couleurs noire, argentée et bleue nuit se révèlent cosmiques. De même, devant la bâche bleue du Rêve d’été, Instinct grégaire prend les allures d’un banc de poissons en mouvement. Il s’agit pourtant de purges de machines industrielles de production de contenants en plastique, aux formes aléatoires, que l’artiste a récupérées puis repeintes, choisissant des couleurs vives et contrastées, bleu, jaune, rose, non imitatives, qui maintiennent, jusque dans leurs titres, l’ambiguïté de leur provenance, de leur forme et de leur destination. Une des forces du travail d’Emilie Soumba réside d’ailleurs dans la dimension suggestive et métamorphique de ses oeuvres.

Il ne s’agit donc pas de déterminer ou d’imposer un sens de lecture à ses sculptures. Et pourtant, ici, les paysages maritimes et célestes, comme les images potentielles de lune et de poissons qui planent et flottent dans l’espace, renforcent l’intention qui préside au travail des deux artistes : présenter, en plein naufrage, leurs tentatives de sauvetage des choses perdues.

Choses perdues

Les deux artistes partagent en effet un souci profond pour les rebuts de la société : ces objets et matières perdu.es, oublié.es, souvent rejeté.es ou sur le point d’être jeté.es, déclassé.es, sur lesquelles on aurait même jamais porté un regard, parfois encore tombé.es du ciel.

Il en est ainsi de l’ensemble des toiles utilisées par Louis Simonnet comme supports à ses peintures : de la toile de parasol recouverte de lichens au fil des saisons passées en extérieur, qui donne lieu à Horizon ; de la toile de lin utilisée pour éteindre un départ de feu dans un champ (Feux) : de la toile de parapente, utilisée, comme un ready-made, pour refléter l’espace en fuchsia (Nova) ; des toiles achetées en seconde main, des bâches, utilisées pour peindre… Chaque fois, les formats, textures, couleurs et histoires de ces fonds engagent la teneur des gestes, plus ou moins discrets, que propose le peintre sur la toile. Parfois, ces gestes consistent simplement à enchâsser la toile, à la tendre, à la détendre. D’autres fois à y peindre une figure, une lune, un nageur,…. affirmant le potentiel pictural du support qui, par ce simple ajout, devient mer ou ciel nocturne. Parfois, c’est le titre seulement, qui nous rappelle l’origine du support. D’autres fois encore, l’artiste recouvre la toile, en prenant soin de laisser quelques réserves, quelques espaces vierges, devenant des lieux de projection pour l’imagination.

Souvent, ces ajouts et réserves perturbent les illusions de profondeurs avec laquelle jouent le peintre et la peinture.

Souvent, ces ajouts et réserves jouent sur le sens de lecture du travail, comme avec Feux, sur laquelle Louis Simonnet a superposé à la suie, des empreintes de confettis, collées puis décollées de la toile, pour évoquer la nature duale du feu, à la fois festive, chaleureuse, et dangereuse et dévastatrice.

Devant ce feu, de sécheresse et d’artifice, se trouve Macadam Tripode d’Emilie Soumba :  barrière de chantier éventrée, à la peau noire et à la chair rouge, agrémentée d’autres objets en plastiques et de bijoux, trouvés par l’artiste sur le chemin entre son atelier et son domicile. Cette pièce, comme l’ensemble des sculptures et reliefs de l’artiste, témoigne de l’attention qu’elle prête aux objets déchus et abandonnés dans l’espace urbain. Confrontant et assemblant les restes abimés aux souvenirs perdus, Emilie Soumba ornemente ses pièces et y apporte une certaine familiarité qui nous permet de nous en rapprocher, physiquement et émotionnellement.       

Tentatives de sauvetage

Derrière le parapente échoué, Cric, crac, bzz,… reste, comme une amphore, un vestige archéologique venu d’un temps et d’un espace lointains, d’une civilisation passée. Il s’agit pourtant de l’assemblage d’un ballon de basket, d’une cruche en faïence et de câbles d’écouteurs trouvés, eux aussi, sur le chemin quotidien de l’artiste. Archéologie de notre époque, il flotte dans l’espace, témoignant d’une présence humaine absentée.

En regard, le nageur, dans l’immensité bleue du Rêve d’été, lève le bras, nageant le crawl ou appelant à l’aide, rappelant que la mer, si elle est un lieu de plaisir pour les un.es, est celui de la fuite et de la tragédie pour d’autres.   

À l’heure où la loi immigration vient d’être votée, les tentatives de sauvetage métaphoriques et sensibles que mènent Emilie Soumba et Louis Simonnet m’apparaissent comme un écho à l’urgence à déployer, à l’échelle de la France, de l’Europe, dans les rues, en pleine mer, auprès de celles et de ceux que notre société rejette et abandonne.

Claire Kueny,  décembre 2023

 


EXPOSITION DE LOUIS SIMONNET & ÉMILIE SOUMBA

 » HORIZONS LIQUIDES « 

PERFORMANCE LIVE DE DEEAT PALACE

Exposition 19 janvier – 10 février 2024

> Émilie Soumba<

> Louis Simonnet <

La pièce sonore a fait l’objet d’une captation, diffusée ultérieurement sur Youtube et accessible sur les réseaux des Ateliers Vortex et d’Ici l’Onde.

 


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Crédits photographiques : © Pauline Rosen Cros, 2024

IN TWO IV

20 janvier —
18 février 2023


EXPOSITION D’ÉLODIE ARMATA & ALETHIA LECOQ DIAZ

CONCERT DE NINA GARCIA

Exposition 20 janvier – 18 février 2023

> Élodie Armata <

> Alethia Lecoq Diaz <

La pièce sonore a fait l’objet d’une captation, diffusée ultérieurement sur Youtube et accessible sur les réseaux des Ateliers Vortex et d’Ici l’Onde.

Une vision objective, c’est un regard qui se porte exclusivement sur les objets. Il n’en est pas question ici. C’est bien le vivant qui se présente à nous. Une structure de métal, évoquant une forme organique, repose sur un cercle jaune. Une pierre est couverte de perles de rocailles qui dégoulinent au sol, de ce socle pousse une enfilade de bouteilles en plastique, rappelant la forme d’une plante qui aurait trouvé les ressources dans la terre aride pour se hisser vers les hauteurs et grandir. Ces bouteilles sont généralement utilisées au Mexique pour protéger les extrémités des fers à béton, dans les maisons dont les étages supérieurs restent à construire. 

Une liane en mousse rose fluo, prenant la forme d’un tissage de fleurs, est suspendue devant un aplat bleu cobalt. On retrouvera cette forme rose dans certaines toiles d’Élodie Armata, comme si le volume de l’une allait cheminer dans les pièces de l’autre. Cette idée de balade, d’errance et de marche est un point de départ au travail des deux artistes. Un point de départ déjà en mouvement, visible dans les pièces, où les formes sont dynamiques. On s’étonnerait à peine de les voir bouger. 

La nature et l’artificiel ont une voix commune dans le travail d’Alethia Lecoq-Diaz. Les éléments créent de nouveaux paysages, avec des lignes de mire à suivre pour se perdre. Ces éléments sont récoltés dans les villes, en parcourant leurs marges et leurs failles, en y découvrant des possibles. « Façonnés d’un va-et-vient entre la France et le Mexique, ces nouveaux paysages mélangent leurs architectures, mais aussi leurs rouages, leurs fonctionnements explicites ou cachés, tant économiques qu’humains. » 

Quand Élodie Armata part en balade, de ces errances, elle collecte des éléments visuels dont elle s’empare pour les simplifier à l’extrême. Elle les traduit par un langage formel qui lui est propre, où les phénomènes apparaissent dans ce qu’ils ont d’essentiel. L’essentiel est-il la nature d’une chose dont on aurait enlevé le superflu et le contexte ? Ou au contraire, le contexte et le superflu sont-ils constitutifs de toute chose ? 

Au préalable conçues de manière numérique, Élodie Armata passe ensuite à la peinture acrylique, à la bombe et au bâton d’huile pour réaliser ses toiles. Plus qu’un brouillon préparatoire numérique, ce processus créatif nous parle du rapport que nous avons à l’image digitale et physique. Ses toiles forment ainsi une œuvre hybride, dont émanent avec la même intensité pixels et pigments. À mi-chemin entre l’abstraction et la figuration, l’important ici n’est pas de reconnaître et de nommer ce que nous voyons, mais de sentir la familiarité de ce qui se présente à nous, sans pour autant saisir tout ce qui est invoqué. 

Au-delà d’une vision polarisée de notre réalité, Élodie Armata et Alethia Lecoq-Diaz nous offrent une lecture sur les entre-deux du réel, où les détails comptent. Elles nous donnent à lire une vision particulière du monde, vivante et saturée. Un monde constitué d’infime et d’immense. C’est dans les interstices qu’elles y trouvent leur langage.

Marion Mucciante, 2023


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> Performance Vernissage IN TWO IV <


Crédits photographiques : © Siouzie Albiach, 2023

HISTOIRES DE DIJON ET DE BOURGOGNE

9 septembre – 5 novembre 2022


HISTOIRES DE DIJON ET DE BOURGOGNE

Exposition
Du 9 septembre au 5 novembre 2022

Emma Riviera <

Emma Riviera est née en 1995 à Paris. Elle vit et travaille entre Marseille, Arles et Paris. Après une licence en cinéma, elle intègre l’École supérieure de photographie d’Arles en 2017. C’est grâce à cette double approche, entre cinéma et photographie, que son travail assume une force narrative particulière. L’image, bien que statique, ne l’est jamais vraiment, en donnant lieu à des séries qui se conçoivent toujours comme des explorations, des périples, des récits envoûtants aussi mouvementés et captivants que des documentaires.

Les histoires se construisent autour de la rencontre. Rencontre de l’autre, rencontre du spectateur, rencontre d’un territoire : l’altérité est au coeur de la démarche, dans une époque où la photographie est bien souvent tournée vers le “soi”.
Emma Riviera voyage dans les communes françaises que l’actualité néglige : de l’ambiance un peu surréelle de Fos-sur-Mer aux habitants de Niort avec leurs histoires fascinantes, en passant par les “sorcières”, les marginaux, les vagabonds, celles et ceux qui sont sortis d’un tissu social excluant.
Ce sont des modes de vie autres qu’urbains qui attirent l’objectif de la photographe. Éminemment sociale, tout en restant résolument poétique, la photographie d’Emma Riviera tisse un lien entre des vies éloignées.
Le processus de monstration est, lui aussi, voué au partage : lors de moments d’échange avec le public, la photographe raconte des souvenirs et des anecdotes.

Le style est spontané, au plus près de ses sujets et du réel. Sans fioritures, et pourtant rempli de délicatesse et d’attention envers celles et ceux qui acceptent de se dévoiler. Une photographie qui privilégie la simplicité, autant dans les moyens déployés que dans l’approche des sujets. Les clichés sont tendres, comme ces photos de famille où les grands-parents, avec leurs rides magnifiques, semblent surpris par le flash un peu trop fort. Ils affichent souvent des sourires timides et pourtant fiers, solennels et pourtant ironiques… ils ont tous la classe dans ces photographies intimistes aux couleurs saturées.
Dans son processus, Emma Riviera fait le choix du soin, de l’échange, et parfois même de la vulnérabilité et du grotesque. Ces récits sont ceux d’une exploration à la frontière entre la norme et la marge.

Résidente à la Villa Pérochon en septembre 2021, elle a entamé une pérégrination à travers des villes françaises en commençant par Niort. Elle transforme alors sa résidence dans le Marais Poitevin en virée touristique, en tirant le portrait des habitants et en les accompagnant de cartes postales qui retranscrivent leurs histoires. Un homme dangereux, un sex-shop poussiéreux, une légende locale.
Mais aussi de la station spatiale Mir, un gosse avec son chiot, une foire de tracteurs qui ressemble aux États-Unis. On plonge dans les chroniques de Niort comme dans un roman contemplatif, parsemé de mystère et enveloppé dans un silence surréel et parfois franchement drôle.

À l’été 2022, Emma Riviera poursuit sa résidence aux Ateliers Vortex à Dijon. C’est ici qu’elle continue son enquête photographique.
L’ambiance se fait plus sombre que lors du précédent voyage à Niort : nous sommes enveloppés dans une atmosphère qui côtoie l’étrange. Histoires de Dijon et de Bourgogne retranscrit l’ambiance envoûtante du Morvan. C’est dans cette région naturelle que s’est concentré le travail d’Emma Riviera, happée par les paysages vigoureux et enveloppants.
Pendant cette résidence, la photographe a arpenté les alentours de Dijon, à la rencontre de personnages et de lieux aux allures de Twin Peaks. Pascal, ancien cheminot et photographe, fasciné par la “poésie ferroviaire”, a parcouru la Bourgogne en long et en large. Il évoque la nuit où il a dû faire face au premier accident sur les rails, mais aussi la fois où il a rencontré un énigmatique chasseur de vipères… On croise ensuite René, l’aubergiste fan de Mitterrand (on découvrira que beaucoup de Morvandiaux sont fans de l’ancien Président, qui fut député non loin d’ici), qui a racheté l’intérieur d’un pub en style anglais pour décorer son auberge en hommage aux années qu’il a passées à Londres. Janine, qui connaît le Morvan comme ses poches, est gardienne de son histoire particulière… et de la recette d’un dessert rare, le crapiaux.
Entre maisons qui prennent feu, le retour du lynx, les champs de sapins de Noël et bien d’autres histoires, on pénètre dans un récit aux airs de réalisme magique sud américain. Le tout, au cœur d’une canicule omniprésente, étourdissante, irréelle.

Costanza Spina
Septembre 2022


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> Conversation du 5 novembre 2022 <


Photographies : © Siouzie Albiach, 2022

CONVERSATION entre Maude Maris & Germaine Depierre

Samedi 21 novembre 2020


CONVERSATION

entre Maude Maris et Germaine Depierre Samedi 21 novembre 2020

Exposition CARNAIRE


Germaine Depierre

Autodidacte en anthropologie, elle est devenue au fil des années, une spécialiste unanimement reconnue de la crémation humaine et une chercheuse intégrée à l’UMR ARTeHIS de Dijon.
On peut la qualifier d’archéo-thanatologue. Profession désignant l’étude des différents aspects biologiques, sociologiques et culturels de la mort dans les sociétés antiques ou préhistoriques.
En collaboration avec Claude Mordant, elle publie en 2005 « Les pratiques funéraires à l’âge de bronze en France ».
La conversation s’est déroulée dans les studios de Radio Dijon Campus.
Elle fut l’occasion pour l’artiste et l’archéo-thanatologue d’aborder la question de la matérialité du corps défunt et sa perception au sein de différentes civilisations.
Maude Maris
Les travaux de Maude Maris sont très souvent en lien avec le lieu où ils sont réalisés. L’artiste, tout en suivant un protocole bien défini, aborde sans cesse de nouveaux centres d’intérêts, explore de nouvelles thématiques. Elle construit autour d’une image, d’un motif, une série de tableaux que des objets à l’apparence banale lui permettront de reconstituer sur le principe du « carambolage » par association de formes, de couleurs ou d’idées. Un travail, entre peinture et sculpture, qui ne cesse de surprendre.
« L’exposition « Carnaire » regroupe un ensemble de tableaux conçus autour d’une dichotomie : la représentation d’un corps fragmenté mais incarné, et le reflet de ce même corps visible dans son intégralité mais privé de sa matière. Deux visions des choses se retrouvent alors figurées dans un même espace, le fragment et le tout, le matériel et l’immatériel.
Ces corps représentés évoquent tout autant l’humain que l’animal. Ils sont le résultat d’un procédé de fabrication qui précède la peinture, ce sont de petits objets moulés en plâtre puis photographiés.
Sur le tableau, ayant perdu toute indication de taille, ils deviennent des sortes d’objets embaumés, pétrifiés, des corps chargés de l’histoire que le spectateur veut bien projeter sur leur image.
Les questions qui traversent son travail rejoignent l’archéologie et l’anthropologie, notamment dans le domaine des rites funéraires : la représentation du défunt, la métamorphose de son corps, sa sacralisation. »
Maude Maris

> Accédez à la conversation <

> Lien vers l’exposition <


Photographies : © Cécilia Philippe

SUBLIMATION

17 juin —
2 juillet 2022


SUBLIMATION

Exposition
Du 17 juin au 2 juillet 2022


Coline Jourdan <

En alchimie, la sublimation concerne la première préparation nécessaire qui consiste à purifier la matière par le biais de la dissolution et la réduction des principes de cette dernière afin de lui permettre, en libérant ses liens, d’agir. En psychanalyse, il sera plutôt question d’un mécanisme de défense, permettant la transformation même de nos pulsions; Freud voit en celle-ci la possibilité même d’acquisitions sensibles, morales et scientifiques de la pensée.
Plus encore, la chimie nous rappelle que ce procédé est avant tout une question de poussière.

Si Man Ray nous donnait des élevages de poussière, Coline Jourdan, elle, la soulève. Par l’exploration de territoires mutés, transformés par l’industrie humaine, où la présence du minéral égale celle du métal ; elle prélève autant qu’elle interroge les transformations de la matière, de la photographie aux paysages qu’elle traverse. Car si la photographie existe, elle est dépendante de ces éléments. De la main à la machine, les interactions sont multiples. Tel un laboratoire des métaux dans l’image et dans ses supports même, l’image n’est jamais fixe : elle tente de trouver son seuil. Elle est rendue possible, par le biais de la multiplication de gestes, de transformations de matières, de déplacements. Constellation sublime, ces prélèvements de territoires miniers dans l’image et dans les matières expérimentées, nous rappelle les conditions même d’apparition de l’image autant que de sa disparition. Sensible aux premiers procédés de fabrique de l’image, l’artiste interroge également la dépendance de son médium aux métaux présents dans les territoires qu’elle explore.

En fixant l’image, elle ne fait que jouer avec son mouvement, la photographie prend forme ; pluie d’étoiles et sédiments de paysages autant miniers que photographique. L’usage d’alliage nous rappelle ainsi la complexité des modes de productions à la fois photographique et industriel mais aussi des rapports humains qui se veulent d’abord sensible, d’une réaction en chaîne, d’une relation entre ses composants. De la noirceur résiste l’infime lumière, les nuances d’un monde qui puise dans sa propre bile.

Sublimation comme mouvement de matière, les éléments de ces territoires nous sont donnés à voir selon différents modes et typologies d’images. Objets-images, images-objets s’installent comme les observatoires autant que les supports de la toxicité du monde. Poète de poussière, entre métaux et minéraux s’invitent dans des expérimentations. De l’enquêtrice à la chimiste, se tracent des cartographies ponctuelles, d’objets vers lesquels s’approcher autant que de constellations d’imageries stellaires telle une roche qui éclate vers le ciel. Une énergie permanente, un tremblement de sol s’opère, un bruissement de l’image où l’oeil doit s’aiguiser, se laisser tenter autant qu’interroger; jouant sans cesse avec nos désirs et certitudes sensibles.

De terres remuées à l’extraction de matière, ces récoltes visuelles s’instituent même dans nos rapports de fascination, à celui des trésors. Ces derniers, par delà les époques, portent autant qu’ils opèrent à un mystère tangible comme la photographie peut le faire. De la même manière, le trésor entretient ainsi un rapport particulier à la question de l’invisibilité. Absent jusqu’à sa découverte, dérobé au regard voire enfoui ou dissimulé, le trésor se veut également omniprésent dans ce qu’il hante les esprits. Trésors ou débris du monde, la photographie comme l’extraction des matériaux métalliques induisent cette attraction particulière, agissant comme un révélateur de la puissance des désirs humains ; souffle qui se situe à la fois dans son pouvoir créateur autant que dans sa propre destruction.

« Rien ne peut être vu qui ne transmette son image à travers l’air » 1

« Il faut voir la terre avec la poitrine » 2

Que ce soit Du Bouchet ou De Vinci, ils font échos à ce qui se trouve au seuil de l’invisible. Soucieuse de la présence souvent invisible de substances toxiques dans l’air que nous respirons, la plasticienne questionne par ce biais la disparition de son propre dispositif.
Des particules toxiques autant que des liens de résistances, l’image entretient ce rapport ambigu. Cette partition visuelle où chaque élément nous renvoie autant à l’univers scientifique, industriel qu’à la plasticité poétique nous invite à voir autrement le paysage, les matières qui le constituent.
En déplaçant les gestes industriels tout en valorisant l’expertise du travail de la matière, l’ambiguïté du geste trouve son lieu dans cette rencontre privilégiée. Plus encore, la proposition en éclats dérive le regard, se joue de nos rapports de fascination et d’activation de la pensée. Voir autrement donc. S’interroger surtout. Le corps engagé à s’approcher, à observer, être happé au sol, à aller en toucher d’abord sa surface pour mieux révéler ses failles. De ferrotypes à la gravure, du papier peint à la présence minérale, poudre de cuivre à fragments de laiton, ces poussières sous différents états matérialisent nos modes d’être et d’agir. Des liens se tissent autant qu’ils se déchirent comme dans le bain d’arrêt de nos propres vulnérabilités. Dans les noirceurs du monde, les poussières se soulèvent ; où la lumière peut encore s’extraire ?

Jade Maily
Juin 2022


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> Extra résidence <


Photographies : © Siouzie Albiach, 2022