PILOTE 00

31 mai —
16 juin 2013

PILOTE 00

Exposition
31 mai — 16 juin 2013

> Thomas Couderc <

Né en 1981,
vit et travaille à Marseille.

Les œuvres de Thomas Couderc sont vitalistes, elles débordent d’énergie que le format qu’elles adoptent peinent à contenir. Flirtant avec le dérisoire, ses propositions se manifestent le plus souvent en croissance, en expansion, en mouvement, dans la forme ou dans le fond. L’inachevé, l’épuisement, ou l’échec virtuel ne sont jamais loin, par delà le rythme effréné, l’hubris, l’énergie symbolique et / ou effective qu’elles déploient ou convoquent. Mais le miracle et la poésie non plus, jaillies précisément de ce déséquilibre entre les moyens et les énergies engagées et la finalité ou le résultat escomptés. Pour autant d’ailleurs que ceux-ci apparaissent clairement, ce qui est loin d’aller de soi. […]

— Emmanuel Lambion

LE TIGNE EST EN TOI.
Tony le tigre

«Quelque chose suit son cours»
Samuel Beckett,
Fin de partie, 1957

Pilote 00 se révèle être une sculpture complexe, plutôt qu’une installation, qui délivre une forme particulière de travail sur scénario. Thomas Couderc en est l’artiste et le metteur en scène. Le titre de l’exposition nous propose une première lecture du synopsis. Un pilote désigne l’épisode zéro d’une série télévisée servant à introduire les personnages et l’univers mis en scène. Le spectateur doit prendre la mesure de l’hétéropie et de l’hétérochronie de l’œuvre qui se joue autant devant ses yeux ainsi qu’avec lui. On entre dans une pièce spatio-temporelle, qui est la production d’une résidence d’artiste où l’espace d’exposition est aussi son atelier, qui a lieu ici au moment de son exposition, et dont l’artiste se jouera ensuite pour réaliser un film vidéo. Mais cela, c’est une autre histoire.

LA MATRICE

Une structure blanchie comme des os prend en charge le lieu jusqu’à embrouiller sa charpente. Elle compose ce que j’appelle l’inscène, une «grille de lecture» organique, une matrice difforme et énigmatique autant que rayonnante et invasive. Elle détermine la composition plastique de l’espace, un socle conceptuel et un champ de résistance, architecture d’intérieur dans son sens biologique. Un étrange milieu prend forme d’un ordre à la fois géométrique et reptilien, calculé et inachevé, qui donne littéralement la vision d’un chaos hyperorganisé. Cette ossature stéréotomique oscille ainsi entre plusieurs topiques de la sculpture, l’assemblage, le modelage, la taille et la modélisation, afin de bâtir une sorte de topographie de décor façon casse-tête chinois.

Ce jeu de construction du plein par le vide signifie que l’œuvre est un conteneur physique et mental, qu’elle représente une expansion dans l’espace, le temps et l’imaginaire. Plus qu’un «work in progress», quelque chose en est train d’avoir lieu. On retrouve ici une dynamique de montage qui rejoint une logique de bricolage, un goût de l’expérimentation propre au travail artistique de Thomas Couderc. On retrouve également l’un des fondements de ses pièces dans le sens où l’œuvre n’a pas à être déchiffrée mais à être explorée. L’imagination doit rebondir, toujours être en mouvement, faire «action», mettre bout à bout des morceaux hétérogènes pour des enchaînements parfois inimaginables, toujours aller de l’avant, tailler la route.

Le blanc est ici l’uniforme du formalisme pour dévitaliser les matériaux et les mettre raccord, pour aller au-delà d’un plaisir d’enfant de créer un monde imaginaire sur le monde réel. Le blanchiment des divers objets fonctionne comme alchimie visuelle et transmutation à froid pour créer une sorte de remise à «00». Sauf qu’ici, son application un peu grossière laisse deviner la nature de nombre d’objets. Cela dessine un volume sculptural à la croisée d’un espace réel et d’un espace inventé, à la croisée de l’extérieur et de l’intérieur, qui se représente en confrontation d’une utopie échappée du quotidien avec une entropie de White Cube primitive «naturelle» dans une exposition.

Ce squelette spatial est le fruit d’une récolte entomologique de résidus oblongs, incertains et disparates, dans une logique actionnelle de Meccano «filaire» pour la conquête de l’espace d’exposition. Il s’agit de «jouer avec des choses mortes» (Mike Kelley) de la ville, des produits littéralement finis, avec cette idée de la civilisation consumériste où la cohérence côtoie l’absurde pour former un tout. Notre regard confronte une forme d’errance dans les objets récoltés comme certains oiseaux font leurs nids à base de brindilles de toutes natures. L’artiste travaille cette «grille» comme une partition de sculpteur classique, à la fois en développant la forme par assemblage d’ajouts et en la taillant direct comme un matériau brut. Pour récupérer ce que disait Samuel Beckett, la tâche de l’artiste est de trouver une forme qui accommode le gâchis et le désordre de la vie et du temps. Ce travail passe ici par une pratique sculpturale du cutting et de l’editing à la manière de Thomas Couderc.

À dévorer pour le petit-déjeuner, des Frosties et une orange mécanique pressée
L’ours Timothy (en référence à Timothy Treadwell, l’écologiste américain amoureux des ours au funeste destin sur lequel Werner Herzog a réalisé son film Grizzli Man) est la vedette de l’exposition, l’acteur principal de Pilote00. Timothy (tout comme ses «petits frères», «brouillons de maquette» et figurants) est une statue, une expérience totémique, une créature hybride spectaculaire et surnaturelle, qui devrait inspirer avec un certain décalage effroi et fascination. Son inachèvement ne le rend au fond que plus chimérique et monstrueux. Tim (appelons-le ainsi puisque son rôle est d’être inachevé) se dresse bravement devant nous dans toute la force brute de son ébauche acéphale, sur ses deux pieds comme un vrai bonhomme, dans une position de défi presque agressive, celle d’une liberté qui précède le combat ou celle d’intérieur, immortalisée en trophée taxidermiste. Il représente une figure prise dans une posture théâtrale qui oppose la violence sourde de la bête sauvage (Ursus arctos horribilis) qui défend son «espace personnel» et la métaphore héraldique domestique un peu enfantine ou déjantée («Papa Ours»), comme une sorte d’image nostalgique d’un pays perdu qu’il faut à chacun faire l’effort de se projeter pour le retrouver.

Thomas Couderc envisage la sculpture comme «machine à se faire des films». Les pièces sont performatives à un niveau physique, imaginaire, formel, narratif, humain. La sculpture est ici une histoire non écrite, en cours de réalisation. La matrice d’objets donne ici le rythme et la trame de l’installation et permet de sertir l’action. Le «plan» de l’ours en insert, sculpture figurative qui joue une «image de synthèse». Ses composants sont issus d’une mythologie propre à l’artiste. Le corps de l’ours suit une logique additionnelle et schizophrène. Il se compose par concrétion sur une ossature métallique de boites réelles de céréales pour petit-déjeuner-matière industrielle ready-made; de fac similés où les mêmes boites deviennent des citations visuelles; de coloriages de ces contrefaçons, comme les produits déviant d’un absurde artisanat do-it-yourself; avant de devenir des dérives d’atelier d’artistes produit lors d’un workshop avec Thomas Couderc où il invite ses assistants à remixer une imagerie industrielle en délire créatif. Cette appel au travail d’équipe d’imagination se retrouve dans l’exposition à travers les réserves de boites entassées au sol où le spectateur doit finir mentalement l’ours Tim. Au final, cet ours est donc un peu notre propre création, et de fait, Timothy est un peu de nous. Nous sommes alors devenus des acteurs de ce Pilote 00.

— Luc Jeand’Heur, 25 mai 2013


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2013

TRANSITION DES POUVOIRS

15 — 23
juin 2012

TRANSITION
DES POUVOIRS

Exposition
15 — 23 juin 2012

> Marie Aerts <

Née en 1984,
vit et travaille à Paris.

Après ses études à l’École Supérieure d’arts et Médias de Caen / Cherbourg et lors d’un séjour à Londres en 2007, inspiré de l’atmosphère du quartier d’affaires de la City, est né le premier prototype de l’homme sans tête. L’homme sans tête devient ainsi l’objet central de divers projets développés à travers performances, vidéos et photographies par Marie Aerts.

«Le travail de Marie Aerts questionne les notions de pouvoirs et d’organisation sociale qui régissent les sociétés humaines. L’artiste interroge les méthodes de légitimisation d’un pouvoir ou d’une forme de domination et les rapports que celles-ci entretiennent avec la croyance. Elle explore les interstices d’un pouvoir, là où les symboles s’installent et déploient leur capacité de fascination. À travers diverses stratégies d’altération, Marie Aerts s’attaque à ces concentrés de représentations, à l’aide d’opérations de soustraction et de transformation qui lui sont chères.» (Inès Moreno)

Marie Aerts, jeune artiste au travail prometteur, s’attaque avec sa série des hommes sans têtes, en première instance, à la notion d’uniformité, à la notion de l’identité, de la reconnaissance, au statut iconique de la visagéité. L’art du portrait marque l’histoire de l’art. L’identité n’est-elle pas la part maudite de l’homme occidental? Mais en seconde instance, pose métaphoriquement la question du genre tissant avec cette série de dessins représentant les armes à feu que nous propose aussi Marie Aerts?

Curieux personnages que ceux présentés par Marie Aerts, tous uniformément habillés de costumes noirs. Ils semblent surgir d’un tableau de Magritte, à une différence près, au lieu de porter ce fameux couvre-chef, un chapeau melon, signature immédiatement reconnaissable du peintre belge, les personnages de Marie Aerts sont privés de têtes. Acéphales, ils nous plongent dans une inquiètante étrangeté pour reprendre les termes de Freud.

Nous sommes dans l’impossibilité de les identifier, privés qu’ils sont de signes de reconnaissance, de caractéristiques particulières… Une négation de la fiche anthropométrique de police, de la carte d’identité, du passeport, de tout ce qui réclame, peu ou prou, un signe de reconnaissance, une particularité, le fameux signe particulier. Prenons cette photographie réalisée par Marie Aerts aux fameux studios Harcourt. Ces studios sont célèbres par le nombre de portraits de stars réalisés, avec comme signature, toujours ce même décor, ce même traitement, qui transforment le portrait en icone. Ce régime de traitement iconique finit par dépersonnaliser le sujet, toujours la même pose, interchangeable. Deleuze et Guattari parlent de machine abstraite de visagéité qu’il décrivent comme un système trou noir-mur blanc.

«Le visage n’est pas une chose donnée, mais une réalité volatile et éphémère, une variation infinie, à partir des éléments de la tête et en fonction des situations (notamment de pouvoir) [1].»

[1]
André Rouillé,
La photographie, Entre document et art contemporain,
Gallimard, coll. Folio essais,
2005.


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2012

LA LUNE DES LAPINS

9 septembre —
1er octobre 2016

LA LUNE DES LAPINS

Exposition
9 septembre— 1 octobre 2016

> Marie-Johanna Cornut <

Né en 1986,
vit et travaille à Nantes.

Marie-Johanna Cornut est diplômée de l’Ecole des Beaux-arts de Toulouse en 2010. Elle présente son travail en France et à l’étranger, lors d’expositions et de résidences notamment à Est Nord Est (Québec) en 2012 et dans la huesca en Espagne en 2011 par les pépinières européenes. En 2014, elle est en résidence à la Cité internationale des Arts de Paris. Elle participe à la 66 ème edition de Jeune Création à la galerie Thaddeus Ropac à Pantin. En 2016, elle présente une exposition personnelle, La Lune des Lapins aux ateliers Vortex ainsi que La mécanique céleste 3.0 dans la rotonde du consortium à Dijon.

La pratique de Marie-Johanna Cornut se développe en sculpture et en installation. Tout en puisant dans un vocabulaire formel minimal, sa pratique s’inscrit dans un réseau plus large de références qui mêle tout aussi bien l’architecture, l’artisanat, le design ou encore la culture populaire. Il questionne le champ de la sculpture dans sa relation à l’objet, au savoir-faire et à la production ainsi que dans sa capacité à faire image. Il joue sur l’ambigüité entre l’abstraction et la figuration, entre l’objet purement esthétique et l’objet fonctionnel. L’artiste s’aventure dans une mise en scène où les sculptures pourraient jouer le rôle de planètes dans un univers aux orbites fluctuantes. Outils d’alchimistes ou de géomètres hallucinés, l’ensemble est posé comme un décor qui engage un point de vue frontal mais invite aussi à être parcouru comme un paysage. Son langage est surtout composé de déséquilibres, d’obstacles, de changements d’échelle, de jeux entre objet et image.
Un des enjeux du langage formel développé, est l’élaboration d’un vocabulaire de signes tenant a priori d’une figuration minimum et parfois vernaculaire. L’immobilité supposée de ces objets est déjouée par la mise en route d’une mobilité fictionnelle.

>www.marie-johannacornut <

Pierrot est amoureux d’un lapin albinos caché à la surface de la lune. Où que Pierrot aille pour se détourner de sa passion, la lune est là. Le fantoche saute, tombe, s’épuise à vouloir décrocher ce que nul n’a jamais pu atteindre. Un ange lui apporte un miroir, l’invitant à se considérer dans cette affliction absurde. Plus tard, Pierrot franchit un rideau et les rôles s’inversent : Pierrot tombe de la lune et meurt, tandis que le mystérieux lapin est désormais sur terre. Nul ne saura jamais ce que signifie vraiment un symbole, de quoi il serait, selon son étymologie, véritablement la moitié. Satisfaction impossible, vérité mortifère, illusion éternelle, la puissance du mythe, mis en scène dans Rabbit’s moon de Kenneth Anger, est aussi son énigme, son ouverture aux possibles interprétations. Le mythe et les symboles qui le composent, voilà la matière première avec laquelle joue Marie-Johanna Cornut. Comment les formes, les couleurs et les sons entrent-ils en résonance avec notre existence ? Du courtmétrage de Kenneth Anger, Rabbit’s moon, Marie-Johanna Cornut a d’abord emprunté le titre énigmatique, comme initiation possible à son propre récit.

Ici tout est double. Chaque élément visuel venant composer La Lune des lapins renvoie à un ailleurs, qu’il s’agisse du film originaire de Kenneth Anger ou bien d’un autre élément qui participe de l’oeuvre de Marie-Johanna Cornut. Tout fait récit, tout est dans tout. Le miroir circulaire, collé à la paroi en aggloméré qui traverse l’espace sinueux de Panoramic, rappelle celui du film. Nul corps humain figuré au sein de l’oeuvre. L’arlequin de Rabbit’s moon n’est plus que réminiscences colorées venant ponctuer la scène. Installation immersive ou théâtre d’objets La Lune des lapins est une saynète en quête de visiteurs. L’exposition devient une composition, dont toutes les sculptures : Panoramic, Mola, Transmission, Hue, interagissent pour former un récit. Ces pièces ont été conçues et réalisées ensemble. Le processus créatif de Marie-Johanna Cornut s’initie dans le lieu, c’est-à-dire dans l’espace d’exposition, comme dans l’environnement dans lequel l’artiste a vécu le temps de la résidence. Les relations se sont alors tissés, selon le jeu incertain des affinités électives, venant enrichir encore les procédés de la création. Marie-Johanna Cornut convertit la vie en matière sonore modulable, habillant La Lune des lapins d’une bande son réalisée avec Gabriel Afathi à partir d’enregistrements collectés le long de la résidence. Cette pièce sonore, intitulée Référentiels, associe mélodies et bruits hétéroclites. Ironie du titre, Référentiels, ne situe pas La Lune des lapins dans l’espace et le temps. Au contraire la perception du visiteur est rendue chaotique, la frontière entre la bande-son et ce qui lui est extérieur devient difficilement saisissable.

De prime abord, Mola, Hue et Panoramic apparaissent comme des oeuvres abstraites. Les matériaux bruts : l’aggloméré, le dibond, les chaînes, le tissu polaire rappellent l’univers du bricolage et de la construction. Le jeu des formes géométriques, tel une conversation secrète, ne renie pas l’héritage des sculpteurs des Avant-gardes, (Joan Miró en tête). Pourtant, dans La Lune des lapins, la forme fait sens en ce qu’elle ouvre à la fiction. L’histoire n’est littéralement plus celle du film d’Anger, pourtant, le lapin, symbole possible d’au-delà n’a pas disparu. Constellation fictive sur tissu matelassé, Mola, s’inspire de techniques de coutures sud-américaines. Le ciel, les astres, comme leur connotation métaphysique perdurent.
Transmission invite à un autre basculement. Celui qui portera un coquillage à son oreille n’entendra pas le bruit de la mer, comme le raconte la légende, mais bien le son des pas, des frottements alentours, comme de sa respiration.

Nulle tristesse dans les lambeaux de cette fête juvénile, dans cet élan métaphysique devenu incertain. La duplicité permanente de l’oeuvre, entre intérieur et extérieur, forme et récit est parachevée par l’humour facétieux qui anime l’exposition. Tout est trop factice pour que le piège ne se referme sur le spectateur. Mola est une tenture sur tasseaux où les tasseaux dépassent la tenture. La magie n’opère plus. Marie-Johanna Cornut montre toujours l’envers du décor, ne cache pas ses coups de pinceaux, instille toujours ironie et absurdité contre l’esprit de sérieux. Hue est un agencement de fers à cheval porte bonheur, un chandelier dont les branches ont perdu la direction du ciel, un capharnaüm rappelant le logo de la maison Chanel.

Comme un point d’orgue à La Lune des lapins, Marie-Johanna Cornut présente au Consortium, une oeuvre réalisée en collaboration avec Cécilia Philippe La Mécanique Céleste 3.0. Des ateliers Vortex au Consortium, l’énergie troublante de Référentiels crée une continuité sonore entre les deux lieux, et souligne comme la cohérence de la double proposition de Marie-Johanna Cornut. En outre, l’installation, La Mécanique céleste 3.0, se compose également de deux autres pièces : un vaste rideau constellé de larmes blanches, violettes et dorées, intitulé Neige marine, ainsi qu’Anthrène et Attagène, deux poufs qui font face à l’étoffe suspendue.
Le spectateur est ainsi invité à s’asseoir devant un rideau, sur deux sièges aux sobriquets teintés d’hellénisme leur conférant une théâtralité dissimulant à peine leur réalité parasitaire. Les anthrènes et les attagènes, comme les puces de matelas sont des animaux attaquant les textiles, les voici devenus deux assises à la toile ornée d’un motif de pixellisé. Le séant dévoré par le numérique, c’est la voie lactée qui s’offre à notre regard. Si pour Pierrot, la traversée du rideau dans Rabbit’s moon signe la mort, l’échec de la satisfaction du désir, la vie impossible après la connaissance, dans La Mécanique céleste 3.0, au-delà du rideau c’est le mur, sans mystère ni ambiguïté.
Florence Andoka


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2016

APEX

20 mai —
12 juin 2016

APEX

Exposition
20 mai — 12 juin 2016

> Paul Duncombe <

Né en 1987,
vit et travaille à Paris et Caen.

Diplômé de l’école Nationale Supérieure des Arts Décoratifs en 2014, Paul Duncombe (1987, France), développe et expose de nombreux projets sur le territoire : Jeune Création 66 (Galerie Thaddaeus Ropac, janvier 2016), Voyons-Voir (Aix-en-Provence, avril 2016), La Factorine (Nancy, mars 2016), Manoir de Soisay (La Perrière, juillet-août 2015), Arts à la Pointe (Cap Sizun-Pointe du Raz, juillet-août 2015), Des Artistes en Campagne (La Bassée Montois, juin-août 2015), Zones (Paris, janvier 2015), et à l’international : Zones_II (Bruxelles, novembre 2015), Est-Nord-Est (Saint-Jean-Port-Joli, mai-juin 2015), Avatar – Coopérative Méduse (Québec, janvier-avril 2015).

À partir d’une réflexion singulière sur l’interaction entre être humain et nature Paul Duncombe explore les différentes échelles du paysage, passant par exemple de la goutte d’eau au tsunami, de la graine à la forêt ou du grain de sable au désert. D’un simple geste aux installations monumentales les plus complexes, entre performances, sculptures minimales et interventions sur site, son travail traverse aussi les frontières et les disciplines : que ce soit pour l’organisation d’une expédition sur un lac gelé (Sur Fond Blanc, 2015), d’une intervention in-situ dans les Appalaches (Quand la forêt pousse, 2015), ou pour la mise en place d’une installation électronique d’envergure (Sans-titre, 2015), ses projets l’ont mené à collaborer avec de nombreux artistes, ingénieurs et artisans mais aussi avec des biologistes, des archéologues, des guides professionnels ou encore l’armée, multipliant ainsi les points de vue et les expériences.

> paulduncombe.com <

Ce qui est montré dans mon travail est le plus souvent la trace d’une série d’événements contingents : des trajectoires de particules insaisissables qui durant leur voyage donnent un instant au monde ses formes et ses mesures. De l’océan à la goutte d’eau, du désert au grain de poussière, du paysage à l’atome, je m’intéresse aux interactions entre les éléments infiniment petits, les horizons lointains et les corps qui les habitent. Temps, gravité, pression, frottements, manifestations éphémères ou variations lentes et continues, j’examine alors les phénomènes qui agissent depuis toujours sur la matière. À l’affut de ces imperceptibles évidences, je m’attache aux formes transitoires et aux richesses du non-visible.

Cette réflexion prend sa source dans l’observation des mécanismes de transformation du monde et dans la reconnaissance des empreintes laissées par l’Homme durant ce processus. En résistant ou en composant avec l’inéluctable déroulement du cours des choses, je questionne aussi le geste artistique, envisagé ici comme une perturbation vaine et sublime de cet écoulement. L’exploration quantitative de moyens et les expérimentations méthodologiques caractérisent ma démarche. L’inattendu ponctuant cette recherche est examiné avec intérêt puis développé dans des réalisations plastiques où j’oppose le plus souvent l’effort de production et la matérialité du
résultat.

— Paul Duncombe


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2016

THIS COULD BE HEAVEN OR THIS COULD BE HELL

22 avril —
13 mai 2016

THIS COULD BE HEAVEN OR THIS COULD BE HELL

Exposition
22 avril — 13 mai 2016

> Guillaume Boulley <
> Hugo Capron <
> Antoine Château <
> Hugo Pernet <
> Nicolas Rouah <
> Hugo Schüwer Boss <

Exposition collective de peinture sur une proposition de Nicolas Rouah.


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2016

UN MUR D’ARGYLE

18 mars —
10 avril 2016

UN MUR D’ARGYLE

Exposition
18 mars — 10 avril 2016

> Guillaume Constantin <

Né en 1974 à Tours
Vit et travaille à Paris.

Le travail de Guillaume Constantin, se construit à partir d’analogies et d’anachronismes. Que ce soit dans les choix de matériaux (souvent semi-transformés), de types de formats, dans les sources utilisées ou bien les prélèvements et les déplacements qu’il propose, se pose la question de la matérialité et de la temporalité de l’objet qui renvoie inévitablement à celle de l’œuvre d’art et de ses dérivés quotidiens.
Se déploient ainsi des oeuvres à la géométrie ambiguë qui ricochent les unes sur les autres en devenant tour à tour un jeu sur le médium, le support, un hommage, un détournement, une réappropriation.

On a pu voir son travail dans de nombreuses expositions collectives, foires internationales, Frac et centres d’art. En 2014, ses différents projets personnels l’ont emmené au Mac/Val, au CRAC à Sète, au Cryptoportique de Reims à l’invitation du Frac Champagne-Ardenne, dans l’arthothèque de la Biennale de Belleville, aux foires Istanbul Art international, OFF(icielle) à Paris et ARTPARIS au Grand Palais.
Chargé des arts visuels aux Instants Chavirés, lieu basé à Montreuil dédié aux musiques expérimentales, aux arts visuels et sonores (www.instantschavires.com), il a aussi réalisé le commissariat de l’exposition des diplômés de l’École Supérieure d’Art de Clermont-Ferrand en juin 2014.

> www.guillaumeconstantin <

SUR LE MUR D’ARGYLE DE GUILLAUME CONSTANTIN

Fabriquer un mur d’Argyle. Voici comment Guillaume Constantin m’a présenté son projet pour l’ancienne usine des Ateliers Vortex, tout en précisant : « Argyle avec un ‘Y’, le pattern avec des losanges ». Surpiquer l’espace pour qu’ainsi rehaussé, chacune de ses œuvres se loge dans les entretoises et crée l’illusion de profondeur propre à ce motif. La structure induit une réversibilité où le verso complète le recto. « Et vice-versa » m’a-t-il dit.
La Carte de tendre qu’il a reproduite en découpant les lettres en creux à la machine laser ne pourrait-elle me guider ? Ou peut-être, son opposée, celle du Royaume de Coquetterie ? Non pas selon un parcours topographique mais bien dans une promenade imaginaire, puisque toutes deux sont devenues des constellations de mots flottants sur une page blanche. La fragilité fantomatique sert alors de fil conducteur.
Je pense aux Everyday Ghosts, ses images issues du Tumblr intitulé Retroactivepictures. Sortes d’apparitions comme le sont là aussi à leur manière ses Lithophanies sur plastique imprimé en 3D où je devine, sur l’une d’entre elle grâce à la transparence, un homme regardant par une longue vue un ailleurs invisible ; peut-être ce vers quoi ouvrent potentiellement les portes-tunnels imprimés de ses Paillassons readymade ? Et surtout comme l’est sa réplique de son Human Pelvis Bone, impression en 3D d’un fragment de bassin appartenant aux collections d’un musée d’art et d’histoire de la ville de Lincoln en Angleterre.
La reproduction de cet os à partir duquel tient tout le squelette touche ce quelque chose du passé que Guillaume Constantin fait réapparaître et exister dans le présent.

— Stéphanie Jamet, Janvier 2016.


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2016

RETOURNER LE REGARD

12 — 28
juin 2015

RETOURNER LE REGARD

Exposition
12 — 28 juin 2015

> Jérémy Liron <

Né en 1980,
vit et travaille à Lyon.

Jérémy Liron diplômé des beaux-arts de Paris en 2005 mène une carrière d’artiste et d’écrivain. Il est l’auteur d’estampes éditées par l’Urdla1 et a publié des fictions et des essais.

À travers sa peinture, Jérémy Liron évoque des perspectives et des fragments architecturaux. H.L.M., villas, paysages périurbains… il va à la rencontre de la mémoire visuelle de l’observateur, sur les traces d’architectures désertées, confinant parfois à l’abstraction. Les titres de ses expositions sont évocateurs: Immerssion, Hypnagogies, L’inquiétude, Tracés, Hôtel de la mer…

> www.jérémyliron.com <

Les choses parfois quand on les regarde semblent se dresser dans leur être de toute leur présence. Et dans cet affrontement de la vue et du visible, l’angle du mur, la barrière et la haie, l’immeuble dans leur banalité soudain déjouée font l’effet de nous retourner un regard. Trouble semblable à celui que l’on connaît au contact de certaines images, de certains objets: cela nous regarde. Mais dans un second mouvement, cette insistance muette et cette évidence opaque alors font l’effet de retourner comme un gant le regard sur lui-même. Regard qui s’affirme alors comme pensée en acte. Il n’y a rien à dire de plus, la langue tombe: l’image pense. L’exposition présentera quelques fragments ou échos ou rémanences issues de dérives dans la ville. Je me suis arrêté souvent aux surfaces, aux textures, aux rythmes visuels surtout que font résonner les façades d’immeubles, les grilles, les barrières, quelques sculptures publiques. J’ai été retenu par des arrangements de volumes, de masses, murets, murs, détails d’architectures, sculptures urbaines involontaires si l’on veut qui dialoguent avec de véritables sculptures, des sculptures de sculpteurs si je puis dire, glanées ça et là dans la ville. Des formes qui se prêtent au toucher du regard.

— Jérémy Liron


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2015

LARMES DE LYCURGUE

18 septembre —
4 octobre 2015

LARMES DE LYCURGUE

Exposition
18 septembre — 4 octobre 2015

> Ivana Adaime Makac <

Née en 1978,
vit et travaille à Paris.

Ivana Adaime Makac commence par étudier l’histoire de l’art et la photographie en Argentine. En 2006 elle obtient son DNSEP à l’École supérieure d’art et céramique de Tarbes (Esa Pyrénées) et un Master 2 de recherche en Arts plastiques à l’Université Paris 1 Sorbonne en 2010.

L’artiste place son art entre la sculpture, la biologie, l’art floral et questionne ainsi le vivant. L’inachèvement de la forme, les cycles, l’observation, la mise en scène, l’expérience, le vivant mobilisent et articulent sa pratique. Naturel-artificiel, intérieur-extérieur, kitsch-minimal sont des notions qu’elle explore, non pas comme des dichotomies d’opposition, mais comme des catégories coexistantes et superposables, aux frontières ambiguës et perméables.

> www.ivanaadaimemakac.fr <

Quelle étrange folie s’empara de Lycurgue, roi des Édoniens, lorsqu’il affronta Dionysos! Le dieu de l’ivresse voulut envahir la Thrace pour y faire connaître le vin, et Lycurgue s’interposa: il combattit jusqu’à ce que Rhéa, déesse de la Terre, le propulse dans la démence, et lui fasse prendre absurdement son propre fils Dryas pour un pied de vigne. Lycurgue le massacra, puis fut désarmé et revint brutalement à la lucidité. On raconte que le roi pleura toutes les larmes de son corps avant de mourir, et que de ses larmes poussèrent des choux.

Que signifie Ivana Adaime Makac en faisant allusion à ce mythe méconnu? Elle est sans doute moins fascinée par la fureur qui s’en dégage que par le mélange des règnes biologiques qu’il décrit: ici le fils est pris pour un arbrisseau, et les larmes du père mutent en légumes. L’histoire de Lycurgue contient ainsi l’idée de la réincarnation: chez l’artiste, la question du cycle temporel (observé, modifié, inversé) et de son impact parfois cruel sur les corps revient comme un leitmotiv. À travers ce récit, Ivana Adaime Makac affiche d’emblée son penchant naturel à mixer les références en histoire — de la mythologie, de l’art ou de la science — et à y introduire de la matière vivante.

C’est donc le chou qu’elle choisit pour cette exposition, et plus particulièrement le chou de Milan, légume domestiqué à la fois pommé et frisé, dont la tige atrophiée permet aux feuilles de s’imbriquer étroitement. L’artiste adopte presque une démarche naturaliste: elle dissèque le légume, en étudie les qualités formelles, expérimente ses différents états. L’exposition peut ainsi se lire comme un laboratoire où, plutôt que le protocole rationnel, l’intuition prévaut, doublée d’un émerveillement fondamental devant l’expressivité biologique, ce que le zoologue Adolf Portmann nomme le «spectacle des formes vivantes», «leur richesse morphologique».

Engagée dans une relation très physique avec son matériau, Ivana Adaime Makac découpe, triture, étale: le chou apparaît séché ou frais, travaillé avec des vernis ou glycériné. Il est enfilé, comme des perles, sur de longs fils traversant l’espace, sortes de liane pointue ou plus étoffée qui, par analogie formelle, rappellent l’araucaria, cet arbre millénaire que la langue populaire surnomma désespoir des singes. Il est aussi tendu comme une peau reptilienne sur toute une variété de supports: un livre sur lequel il vient se poser comme une mue, transformant l’objet en sculpture (Dermoesqueleto); un grand socle aux allures de monolithe minimal, que cet habit végétal fait presque basculer dans l’opulence décorative; un Perchoir pour courges et choux farcis, une Structure épineuse à la courge, mais aussi un ensemble de bibelots…L’artiste installe un univers foisonnant, meublé de formes domestiques rendues étranges par ce processus contagieux de recouvrement, extrêmement attirant pour l’œil. Car le chou ainsi traité devient le générateur d’un infini nuancier de temporalités: vert tilleul, vert olive, vert malachite ou kaki, mais aussi vanille et sépia, safran et jaune de Naples, autant de nuances chromatiques qui sont des marqueurs de temps, et expriment la nature performative de cette exposition. Techniquement, l’artiste joue aux apprentis sorciers, accélère ou suspend le vieillissement de son matériau vivant, le maquille aussi. Cela vaut pour l’installation murale Têtes de choux, galerie de portraits frais ou avancés, qui revient à la source étymologique du mot [1]. Cela concerne également la relecture de l’œuvre de Giovanni Anselmo, Senzo titolo (Struttura che mangia, 1968) dans laquelle une laitue fraîche maintient en équilibre deux parallélépipèdes de différents volumes en granit poli.

Ivana Adaime Makac allège la minéralité de la sculpture originale en la couvrant de flocons et paillettes chlorophylle. Elle en profite aussi pour désamorcer la tension fragile présente dans l’œuvre d’Anselmo en utilisant non pas une salade fraîche, mais une salade conservée à la glycérine, méthode employée dans la décoration florale pour figer le temps. Réévaluant très différemment le rapport de la nature à la culture, la pièce renvoie à notre philosophie du prolongement, de l’artificialité — un certain esprit Botox: cette salade glycérinée a certes perdu toute son eau et ressemble à une flétrissure gommeuse en voie de putréfaction, mais elle a conquis l’éternité.

Les memento mori le montrent: les artistes ne cessent de vouloir capter le temps et la mort, et cette exposition en est le témoignage concret. On y croise des larmes, des natures mortes, des réductions de têtes — et même un mûrier pleureur: l’aspect pleureur du mûrier est le résultat d’une greffe, et n’existe pas naturellement. Ivana Adaime Makac présente ici un greffon qui n’a pas survécu, et qu’elle customise d’un fourreau de chou frais, au statut duel. Cette gangue symbolise une hybridation revitalisante, en même temps qu’elle insiste sur le processus de domestication du végétal, contraint par l’homme qui lui impulse de nouvelles formes. Accessoirement, en adepte du cycle et du recyclage, l’artiste reprend des éléments présents antérieurement dans ses recherches [2], qui viennent par touche hanter les nouvelles productions. Sous-jacente, se manifeste l’idée de ré-accommoder les matériaux de l’œuvre, de leur donner un nouveau sens, une nouvelle vie, sans relâche.

Autre installation évolutive, qui vieillira au fil de l’exposition: Parodia, une sorte de totem-ikebana aux accents kitsch. Placée au centre de l’espace, la sculpture combine une composition florale sophistiquée montée sur un imposant socle vert forêt. Ce dernier est couvert de paillettes administratives, revêtement mural un peu ringard, très en vogue dans les années 1980, qu’Ivana Adaime Makac propage comme une substance contaminante à la charge ambiguë, tant la matière totalement artificielle est revisitée ici de façon singulière, à forte connotation organique, tel un lichen proliférant. Lorsque l’on s’en rapproche, Parodia arbore des signes de dévoration étranges: mimant l’insecte nuisible, l’artiste a poinçonné les feuilles des plantes ornementales avec un emporte-pièce [3] et laissé au sol les reliefs de ce festin fictif, tels des confettis — une dé-composition qui moque les désirs d’ordre, de domestication et de contrôle propres à l’art floral.

Présence discrète et un brin menaçante, une autre parodie culmine en hauteur dans l’espace: intitulée Ligne d’épines, l’installation se compose d’une étagère murale qui supporte des fragments de bouteilles brisées en multiples tessons. Dans un doublemouvement, ce geste sculptural brutal — qui revisite une stratégie courante de protection du territoire — magnifie le hérissement défensif en même temps qu’il en ruine l’impact agressif, puisqu’en l’occurrence, ici l’art n’a rien à défendre. Ainsi décontextualisés, ces tessons deviennent des sortes d’épines décoratives, paysage luxuriant de verre au relief accidenté qui abrite ça et là des boutures de begonia coccinea [4], qui vont naturellement raciner le temps de cette exposition organique. Hostile pour l’homme, la barrière de tessons peut devenir un biotope accueillant pour les plantes d’intérieur: en filigrane, Ivana Adaime Makac rappelle ici les recherches de Jakob von Uexküll et son concept d’Umwelt, selon lequel notre environnement est avant tout un monde propre à chaque espèce, et qu’un même élément peut être porteur de significations très diverses en fonction de l’être vivant qui s’en empare. Une pensée qui pourrait facilement s’appliquer à l’art, à son approche subjective, à sa polysémie.

Arrimer souplement l’art et les sciences, frotter avec sensualité la nature à l’artifice, et relire à sa manière enjouée certains épisodes de l’histoire de l’art: telle serait la marque de fabrique d’Ivana Adaime Makac. Cette exposition, comme un organisme qui se développerait en interaction avec son environnement, confirme son talent à déployer les différentes facettes plastiques d’un même propos conceptuel. Toutefois, en comparaison des propositions précédentes de l’art l’artiste, Larmes de Lycurgue opère un tournant plus expérimental et sentimental dans le processus de création artistique — une sorte de lâcher prise, à la fois ludique et lacrymal, ébloui par l’écoulement du temps et les talents transformistes du vivant.

— Eva Prouteau

[1]
Le chou, en argot parisien, c’est aussi la tête, ce qui est logique puisque le cabus, le chou pommé, se disait capu ou chou-tête et viendrait de
caput, la tête en latin.

[2]
L’artiste a réalisé tout un travail autour du ver à soie et du mûrier dans l’installation Rééducation (depuis 2009).

[3]
De près, on distingue des poinçons différents, en forme de cercle, de feuille, de profil d’herbe, d’arbre, de puzzle…

[4]
Tout simplement quelques boutures des plantes que l’artiste fait pousser dans son appartement.


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2015

LES DÉPOSSÉDÉS

27 mars —
9 avril 2015

LES DÉPOSSÉDÉS

Exposition
27 mars — 9 avril 2015

> Nicolas Boone <

Né en 1978,
vit et travaille à Paris.

Diplômé des beaux-arts de Paris en 2001, Nicolas Boone est vidéaste; de ceux qui transforment l’image en poésie névrosée et surréaliste. Ces vidéos explorent un monde où la mort serait un lointain souvenir, dans un parfum d’apocalypse post-société de l’information.

L’artiste, présent dans de nombreux festivals vidéos à l’international (films et court métrages) a fait l’objet de nombreux prix en 2014 et encore récemment avec le prix CNAP à la suite de son exposition aux Ateliers Vortex (Prix remis à un réalisateur français ou étranger pour un film de la Compétition Française et de la Compétition Premier film).

> www.nicolasboone.net <

Nicolas Boone est de ceux qui réinventent le monde en images. Et son monde à lui est très particulier.

Sorte de paysage embarqué ici de corps désorientés, là de cerveaux dépossédés ou ailleurs de géographies irritées. Tout se passe comme si rien ne s’était déroulé, comme si nous rejouions la boucle, mais quelle boucle? Ici tout est simple, une seule et même matrice pour tous, celle d’un constat, celui de la catastrophe de l’uniformisation de nos esprits et vos corps en cette machine puissante de l’internet qui annihile chacune de nos marches et l’ensemble de vos membres.

L’interface se déploie en une sorte de rhizome qui nous rappelle à nos empreintes digitales, à nos amours de silicium, à mille écrans, mille visages, mille et une connexions. Et ailleurs, juste aux abords de ces appels silencieux et de ces gestes inversés, se livre un paysage supplémentaire, sorte de hors-champ libre et dénudé.

Que s’y déroule t-il? Que s’est-il passé? Qui y habite? Qui est-il?

Évidemment, nous ne l’apprendrons jamais, car les 4 chapitres des «
Dépossédés se partagent cette zone aux allures spectrales, et ceci en toute discrétion, sous notre surface pré-programmée à présent devenue lisse. Nous ne pouvons qu’imaginer une suite de 0 et de 1 détruire nos fichiers résiduels, inverser le ressac de nos flux, supprimer la blessure la plus rapprochée du soleil. Des mathématiques sans chiffre, nous dit-il.

Chapitre 4

Pattern
Nicolas Boone
Vidéo
6min 46s
Images Marianne Tardieu et Ernesto Giolitti
Prises de vues Steadicam John Morrison
2012

Il parle de corps nus, de corps désorientés, de ceux qui ne sont plus que des fantômes. Je vois une femme qui embrasse un homme mais je me trompe, elle l’aspire, elle suce sa substance, elle suce ses mots, ses pages et désirs. Puis, elle le quitte. Je vois des hommes qui dansent et d’autres qui relancent quelques corps éteints. Et puis, il y a ces deux corps allongés que les femmes continuent d’aspirer. Tout semble très calculé. Il fait froid dans cette cave biologique version boîte de nuit. Je regarde les écrans connectés, les femmes transférées, j’écoute cette suite bio-mécanique musicale et j’ai peur. Peur que le soleil reste immobile, peur de me faire séquencer ainsi, gazer, éjecter de ce paysage unifié qui est le mien. Cette plage similaire sur laquelle je demeure étendue là des nuits entières à contempler mon double gémellaire. Un monde sans soleil.

Chapitre 2

Nicolas Boone
La fin de la mort
Vidéo
13min 45s
Scénario Jean Paul Jody et Nicolas Boone
Images Marianne Tardieu et Ernesto Giolitti
2012

Il dit que nous sommes devenus immortels. Après 9 minutes et 59 secondes de paroles programmées, l’homme noir vacille, il le sent, ses yeux se transforment en billes blanches. Son corps s’envoûte sous le silence des mots aspirés. Il dit de nos consciences qu’elles sont dépouillées, puis téléchargées. L’homme noir vacillera une seconde fois à 12 minutes et 17 secondes. Il dit qu’elles sont déjà dans nos corps, sous la peau et en tout ce qui nous entoure. Il dit que tout est falsifié, les océans aussi, les paysages des murs de briques, les champs de haricots, les ruelles de sable rouge, les caves boîtes de nuits, les rivages, les paysages. L’homme noir est un prédicateur.

— Agnès de Cayeux


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Photographies: © Cécilia Philippe, 2015