FAUT-IL QUE SA COLÈRE SOIT EXEMPLAIRE ?

11 octobre —
16 novembre 2019

Fanny Durand aux Ateliers Vortex
 
Fanny Durand aux Ateliers VortexFANNY DURAND LES ATELIERS VORTEX
 

FAUT-IL QUE SA COLÈRE SOIT EXEMPLAIRE ?

Exposition
11 octobre — 16 novembre 2019

> Fanny Durand <

 

Après que le soleil est couché

« Après que le soleil est levé, elles s’enduisent le corps d’huile de santal de curcuma de gardénia. Elles posent un pied en appui sur un tronc d’arbre. Les mains frottent alternativement leurs jambes dont la peau luit. Quelques-unes sont étendues. D’autres les massent du bout des doigts. Les corps nus brillent à cause de la grande lumière du matin. Un de leurs flancs est irisé d’un éclat doré. Le soleil levant fait de même quand il envoie ses rayons à l’oblique sur les troncs dressés et circulaires des arbres. Les arcs de cercle ainsi touchés réfléchissent un peu de la lumière, leurs contours s’estompent. »

Monique Wittig, Les guerrillères (p 19)

L’exposition « Faut-il que sa colère soit exemplaire ?  de Fanny Durand aux Ateliers Vortex poursuit un travail mené depuis plusieurs années dont le sujet central est la violence politique exercée par des femmes. L’attention portée par Fanny Durand au champ des luttes armées, aux dimensions sociale et politique de la guerre, est exemplaire dans la persistance avec laquelle l’artiste a interrogé les phénomènes guerriers dans leur complexité, arpentant le temps long de l’histoire. Les visiteurs sont accueillis dans l’exposition au rez-de-chaussée par une première liste, les noms de 127 combattantes auxquels l’artiste ajoute une information géographique, le nom du pays d’appartenance des femmes citées. Cette liste est inscrite directement au mur en noir sur fond blanc en typographie arial, choisie par l’artiste pour faire écho à la typographie utilisée par Google, moteur de recherche sur internet le plus utilisé dans le monde. La référence au champ d’internet est ici essentielle : les recherches menées par Fanny Durand sur les femmes combattantes ont été menées uniquement par le biais de l’outil internet, une contrainte reflétant à la fois une économie de moyens limitée  – et nous renseignant sur les conditions de travail d’une jeune artiste – et pointant l’importance d’internet dans l’accès aux informations aujourd’hui et les enjeux politiques qui sont attachés à cet empire digital incarné par Google. 

La sobriété formelle de cette liste inaugurale met en avant un contraste radical avec d’autres travaux précédents de Fanny Durand. Depuis plusieurs années, cette dernière a persisté dans son intérêt spécifique pour les croisements entre politique et esthétique, s’emparant des motifs qu’elles identifiaient dans la forme des armes et des uniformes militaires, les détournant dans le champ de l’art par le biais d’objets domestiques et de techniques inspirées de l’artisanat. De détournement en travestissement, dans un va-et-vient constant entre stéréotypes masculins et féminins, dans sa traversée singulière de l’histoire des guerres, la question de la violence des femmes semble s’être frayée un chemin, et imposée comme territoire urgent de recherche, de travail artistique, de prise de conscience politique et de prise de position féministe. 

Aux Ateliers Vortex, Fanny Durand met de côté les formes du décor au profit d’une toute autre dramaturgie. 

Submergées par la lecture d’une liste dans laquelle nous ne reconnaissons que peu de noms, nous sommes invitées à gravir les escaliers pour rejoindre la suite de l’exposition. Ce qui est d’emblée frappant est le parti pris de l’artiste de laisser place au vide dans l’espace, ne pas tenter de le combler, c’est à dire de prétendre qu’il y aurait beaucoup à montrer. Car le sujet que Fanny Durand s’est attelée à rechercher, et à construire, celui de la Femme Combattante, est peu loquace, tapi dans l’ombre, effacé, à la fois invisible et inaudible. Fanny Durand travaille ici sur ces deux dimensions à la fois. La visibilité articule l’inscription monumentale des noms des combattantes aux documents sortis par l’artiste des strates numériques pour trouver leur place sur les murs de l’exposition. Ils s’étalent sur deux murs se faisant face donnant à voir l’hétérogénéité des sources identifiées par l’artiste-chercheuse. Les images sont montrées tel quel, souvent de faible qualité numérique, laissant apparaître des figures pixélisées, difficilement reconnaissables. Et si les voix de ces femmes restent inaudibles, Fanny Durand propose néanmoins d’écouter des mots, ceux qui constituent un index pour sa recherche, associant chaque combattante à un nuage de termes qui permettent de produire du sens, de les relier, de dégager des lignes de questionnements, d’opérer des rapprochements historiques, géographiques, ou politiques. Une voix de synthèse remplit l’espace et construit, par le son, une architecture invisible. L’espace est aussi partitionné par un mur temporaire, restreignant l’espace disponible, rendant inaccessible une partie de l’étage. Elle donne ainsi une forme concrète à l’idée centrale de l’inaccessibilité, de l’ampleur de l’enfouissement d’une histoire des femmes dont on commence à saisir la richesse. 

La démarche archéologique entreprise par Fanny Durand fait écho à d’autres démarches féministes dans d’autres champs. Dans sa préface au livre « Penser la violence des femmes », l’historienne Arlette Farge affirme : « Dans les combats et les révolutions, la dénégation la plus cruelle, le déni le plus intenable en ce qui concerne la violence féminine, c’est de ne jamais cesser de lui retirer toute motivation politique, tout engagement militant, toute participation consciente et sue à la vie politique. » Plus récemment, la philosophe Elsa Dorlin publiait « Se défendre. Une philosophie de la violence », ouvrage au sein duquel elle aborde la question de la violence des femmes et leurs luttes politiques d’émancipation. Fanny Durand contribue avec ses propres moyens au dépassement de l’opposition entre légitimité et illégitimité de la violence, à la prise en compte de la contribution des femmes aux luttes sociales et politiques, sans nier la complexité de celles-ci. Dans l’héritage de penseurs comme Frantz Fanon ou Monique Wittig à laquelle elle rend hommage dans le choix du titre de l’exposition, Fanny Durand pose ici l’essentielle distinction entre ceux qui possèdent leurs corps en propre et ceux qui en sont dépossédés, soulignant le lien indéfectible entre la possibilité de se défendre et l’affirmation de soi comme citoyen et sujet. 

Vanessa Desclaux


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2019

HYPERCONTRÔLE

7 mai —
19 juin 2021


HYPERCONTRÔLE

Exposition Du 7 mai au 19 juin 2021

> Antoine Nessi <

Je vais être transparent avec vous. Ça fait quand même un paquet d’années que je travaille dans cette boîte. Au bout d’un certain temps, on commence à en avoir vu pas mal… Ici, on fait toutes sortes de conduits pour transporter les gaz, des vannes, des valves, des tuyauteries, tout ce qu’il faut pour diriger les flux, et que ça supporte les fortes pressions. Nous aussi, de la pression on nous en met un peu. Il ne faut pas qu’il y ait une milligoutte de travers, vous imaginez bien. Pour ça, on a toutes sortes d’examens, de vérifications, de mesures. Ici, l’ordre, c’est l’ordre. Dans une chaîne de production, il y a une place pour chaque chose. Rien qui dépasse. Normalement, je dis, normalement. Les flux de gaz, comme les matériaux, comme les informations, ça se distribue, ça se filtre. C’est une profession. Par exemple, les décisions viennent d’en haut, l’exécution reste en bas. Les intérimaires ici, les salariés là. Fraiseuses, meuleuses, tours à métaux : là-bas, là-bas, là-bas. Moi, dans tout ça, je suis manager. J’organise les corps, je décompose le travail. Je rythme. La main, la tête, les pieds. Ensuite, chacun se débrouille pour remplir sa mission. La qualité, c’est la confiance dans le capital humain avant tout, il faut jamais l’oublier. Cela dit, j’ai plutôt l’habitude de l’ingratitude, voire de l’impertinence. Ça arrive. Et j’en ai vu des choses pendant toutes ces années, comme je vous dis. Mais alors, il y a quelques jours, j’ai remarqué un comportement suspect que j’avais encore jamais vu. Là, on tient un sacré coquin. On dirait qu’il est venu exprès pour nous faire tourner bourrique. Ce qu’il fait, c’est très simple. Quand je suis là, il travaille, et plutôt bien. C’est dès que j’ai le dos tourné que ça part en vrille. Il va fouiner dans les poubelles pour retrouver des ratés de la chaîne, il s’en met plein les fouilles. Puis il se met à bidouiller des trucs, là, pépère. Non, mais on rêve, vraiment. J’ai bien repéré comment il procède. Il croit qu’il peut se mettre à cachotter quand je ne le vois pas, sauf que moi je vois tout. Faut pas croire. Il cherche une faille dans les contrôles de personnel, un moment d’absence, et hop il va piocher dans les rebuts de production. Pas gêné. Puis il se faufile en bout de chaîne pour faire ses petites baroqueries. Et ça sculpte en douce, et ça machine des trucs. Lui, il passe son temps à faire l’artiste pendant que les autres ils bossent. Ça me faire sortir de mes gonds. Je me demande vraiment à quoi je l’emploie, celui-là. Et qu’est ce que je peux y faire ? Faute professionnelle ? Délit de création ? Jusque là il a réussi à être discret, parce que justement il manipule les mêmes choses que les autres. Il a beau s’installer son petit atelier perso, cet atelier c’est le nôtre. À tous. Il utilise nos matériaux, nos formes, nos outils, nos techniques. Nos figures, mêmes. Ici, on ne peut pas se réinventer, c’est pas possible. Tout ce qu’on touche, tout ce qu’on fait, ça vient de l’entreprise, ça ressemble à l’entreprise, ça sert l’entreprise. Malgré ça, avec son air de rien, avec son air de faire comme les autres, il est quand même en train de tout nous mettre sens dessus dessous. Il dérègle le process, il fait foirer ma chaîne de production, il déconcentre mon équipe. Et en plus, le pire, c’est qu’il arrive à intriguer ! Tellement que je vais plus savoir quoi en faire. Parfois, il demande un coup de main à ses collègues pour telle ou telle bidouille de son cru. Et ils jouent le jeu, les cancres. Les vaches. Au fond, j’ai même l’impression que ça leur fait assez plaisir.

Marilou Thiébault


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> Conversation du 19 juin 2021 <

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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2021

SIGNAL MOUVEMENT

6 septembre —
4 octobre 2019

 
 
 
 
 
 
 
 
VIOLAINE LOCHU SIGNAL MOUVEMENT ATELIERS VORTEX
 
 

SIGNAL MOUVEMENT

Exposition
6 septembre – 4 octobre 2019

> Violaine Lochu <

En quelques années soudain Violaine Lochu a mis en place une formidable pratique artistique intense qui du micro au macrocosme redélimite à chacune de ses interventions un champ très spécifique qui partant des marges et schyze de l’art contemporain en interroge ses devenirs avec acuité.

Sa démarche, avec ambition, associe pièces sonores, performances, vidéos, installations, dessins, partitions et improvisations, perceptions et collections, effets de savoir comme de désynchronisation, autant d’éléments (au très pluriel) qui pourraient paraître chaotiques ensemble, tant leurs logiques visuelles, poétiques, sculpturales, heuristiques sont pour le moins antinomiques. Et pourtant que se passe-t-il ? Au centre de son travail, à chaque fois, comme un pari, elle lance et disperse le matériau de sa propre voix diffractée merveilleusement mobile labiale pharyngée et ultra-maîtrisée, dont l’expertise la plus classique lui fait effacer la trace. Il y a d’abord l’instant de l’enquête, de la collecte, car sa méthode a toujours aussi quelque chose en mouvement d’empirico/technico/anthropo/socio/musico/inventivo/analytique. Ce qui en résulte, ce qu’elle donne à entendre et qui fusionne est proprement explosif talentueux stupéfiant.

Ce que recommence Violaine Lochu a certainement à voir avec ce « sommet du babil » dont parle le linguiste Jacobsen, propre au« nourrisson capable de tout », lequel se voit contraint d’abandonner l’omnipotence vocale polymorphe sans pareil dont il est détenteur à la naissance pour acquérir une langue, entrer dans une communauté, incapable par la suite sera-t-il enfant adulte de réitérer ses prouesses initiales. Violaine Lochu en serait l’exemple revenu. Constatant la limite des langages comme des savoirs vernaculaires normés, elle laisse vacant dans un premier temps du moins le nominalisme. En échange, elle explore les liens intriqués du son des langues, des idiomes du corps, de l’agencement coïncidence des usages, des discours, de leur entrelacement et de leur inscription, du collectif comme du singulier. Et si la voix est sienne – quoi que le plus souvent ce que nous représentons sans parvenir à le connaître est que nous connaissons sans pouvoir le dire aussi –, les modulations, les phonèmes, les expériences, les temps et les chants sont ceux des autres. L’air qu’elle pulse, les items qu’elle sonorise, les lignes qu’elle poursuit, brise ou discontinue à leur tour composent, installent, enregistrent, imagent.

Proprement expérimental, se relie le vieux rêve des avant-gardes avec et inversement celui des sciences aussi. Elle en dégage progressivement comme une phénoménologie linguistique dans laquelle la/les langue.s parlée.s, inouïe.s, inédite.s, concaténée.s, qu’elle déchiquète autant qu’elle suture, émane tout autant d’une sphère musicale (son point de départ) que poétique concrète multiverse, dont elle déplie les prémisses. Les rationalités striées à l’ordre comme au désordre, la compréhension alors se vocalise. L’horizon performanciel devient une nature qui lui permet d’enclencher le langage quand il est finalisé par l’action et tend à l’action lui-même. Dégondée de ses illusions mimétiques et substitutives par la présence intrinsèque et l’usage-maître d’un corps vibrant, émissaire, elle parvient très finement à désystématiser sans la ruiner la signification explorée. Il faudrait précisément regarder ses sons et savoir/pouvoir analyser l’impact et leur réverbérations sur nos corps.

Par quels instruments physiques et mentaux le son se réinjecte-t-il à quel endroit de la sensation ? À quelle pulsion ? À quel moment recoïncide-t-il dans les ambiances, les circuits de cet humus audio scriptural et tracé, dessiné, filmé qui absorbé ou disparu impacte ou affleure ? Et d’où surgit un aleph vocal ? Où y perlaborent les langues les langages leurs troncations élongués leurs manquements aussi, comme on le prononce en psychanalyse qui fait défaillir le symptôme névrotique, promeut le possible processus de symbolisation. D’où la nécessité d’ailleurs de l’exposition et à quel point elle s’impose à Violaine Lochu, car il ne faudrait surtout pas cantonner cet art du côté de la scène, du spectacle vivant, de la captation de l’instant ou de son émotion, ni l’englober non plus dans un régime démonstratif d’effets de court-circuitage, de norme ou de codification à venir, ni vers le didactisme, de l’auto-éducation aux savoirs alternatifs aussi. Quoiqu’il y ait de tout cela ensemble. Car si l’enjeu de l’exposition est de centrer, non pour des raisons purement réductrices d’écologie de la monstration, comment axer alors ce centre intime et impersonnalisé, feuilleté et ramifié déjà, franchement irregardable ?

Plus encore qu’à son habitude, happée peut-être par l’injonction d’ailleurs, l’onomastique du lieu, Les Ateliers Vortex, l’exposition lui permet ce resserrement tourbillonnaire, son écoulement fluide qui éprouve et l’arrêt aussi de l’axe instantané qu’est sa voix, cette partie confiée qu’elle arme spécifiquement. Signal Mouvement, à partir, propose ouverte une forme de théorisation par la pratique circulatoire, une démonstration mélopée haptique entre la performance, le son, le dessein et  dessin, la thérapie aussi, le parcours et sa perception pour autrui vibrée. Par les unités de lieu, de temps, de contexte, entre la pièce sonore conduite/construite, la performance qui en émet, diffusée et continue, qu’autrui soi-même visiteuse/visiteur relaie, négocie en écho, ajoute, évalue, ainsi comme la reprise par Générale d’Expérimentation (Why Note) qui achèvera le temps d’exposition, ou l’échange pragmatique avec Marie Lisel, hypnothérapeute, s’articule et hésite son imprégnation, le souvenir, ou sa présence et laisse agir.

Autour, dessus, à côté, en dessous, cette interlocution est celle du corps en son intégralité précaire de représentation, au regard de ces mêmes médias visuels, cognitifs, sonores, ambiants qui la traversent, duquel il faut de leurs propres cavités cacher nos corps biologiques. Quelque chose d’aussi médusant Lochu qu’un cypher collectif, un commun singulier calapable scientifique écouté par la scorie, la parcelle omnivore qui traduirait, aussi peu scalable et pourtant oui Violaine, du parcours sensible au vibrato engagé maintenu vu de la tenure. Et ce qu’elle propose affolant – ars memoria généralisé et écriture sonore – n’est autre qu’un système démesuré tendu vers une traductibilité immersive, une synesthésie compréhensive à même, une interchangeabilité du dicible/indicible au visible. On disait Son et Lumière, depuis on catégorisera pour elle Sons et Langages.

Jérôme Mauche, septembre 2019


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> Conversation du 4 octobre 2019 <


Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2019

SIGNAL MOUVEMENT

6 septembre —
4 octobre 2019

 
 
 
 
 
 
 
 
VIOLAINE LOCHU SIGNAL MOUVEMENT ATELIERS VORTEX
 
 

SIGNAL MOUVEMENT

Exposition
6 septembre – 4 octobre 2019

> Violaine Lochu <

En quelques années soudain Violaine Lochu a mis en place une formidable pratique artistique intense qui du micro au macrocosme redélimite à chacune de ses interventions un champ très spécifique qui partant des marges et schyze de l’art contemporain en interroge ses devenirs avec acuité.

Sa démarche, avec ambition, associe pièces sonores, performances, vidéos, installations, dessins, partitions et improvisations, perceptions et collections, effets de savoir comme de désynchronisation, autant d’éléments (au très pluriel) qui pourraient paraître chaotiques ensemble, tant leurs logiques visuelles, poétiques, sculpturales, heuristiques sont pour le moins antinomiques. Et pourtant que se passe-t-il ? Au centre de son travail, à chaque fois, comme un pari, elle lance et disperse le matériau de sa propre voix diffractée merveilleusement mobile labiale pharyngée et ultra-maîtrisée, dont l’expertise la plus classique lui fait effacer la trace. Il y a d’abord l’instant de l’enquête, de la collecte, car sa méthode a toujours aussi quelque chose en mouvement d’empirico/technico/anthropo/socio/musico/inventivo/analytique. Ce qui en résulte, ce qu’elle donne à entendre et qui fusionne est proprement explosif talentueux stupéfiant.

Ce que recommence Violaine Lochu a certainement à voir avec ce « sommet du babil » dont parle le linguiste Jacobsen, propre au« nourrisson capable de tout », lequel se voit contraint d’abandonner l’omnipotence vocale polymorphe sans pareil dont il est détenteur à la naissance pour acquérir une langue, entrer dans une communauté, incapable par la suite sera-t-il enfant adulte de réitérer ses prouesses initiales. Violaine Lochu en serait l’exemple revenu. Constatant la limite des langages comme des savoirs vernaculaires normés, elle laisse vacant dans un premier temps du moins le nominalisme. En échange, elle explore les liens intriqués du son des langues, des idiomes du corps, de l’agencement coïncidence des usages, des discours, de leur entrelacement et de leur inscription, du collectif comme du singulier. Et si la voix est sienne – quoi que le plus souvent ce que nous représentons sans parvenir à le connaître est que nous connaissons sans pouvoir le dire aussi –, les modulations, les phonèmes, les expériences, les temps et les chants sont ceux des autres. L’air qu’elle pulse, les items qu’elle sonorise, les lignes qu’elle poursuit, brise ou discontinue à leur tour composent, installent, enregistrent, imagent.

Proprement expérimental, se relie le vieux rêve des avant-gardes avec et inversement celui des sciences aussi. Elle en dégage progressivement comme une phénoménologie linguistique dans laquelle la/les langue.s parlée.s, inouïe.s, inédite.s, concaténée.s, qu’elle déchiquète autant qu’elle suture, émane tout autant d’une sphère musicale (son point de départ) que poétique concrète multiverse, dont elle déplie les prémisses. Les rationalités striées à l’ordre comme au désordre, la compréhension alors se vocalise. L’horizon performanciel devient une nature qui lui permet d’enclencher le langage quand il est finalisé par l’action et tend à l’action lui-même. Dégondée de ses illusions mimétiques et substitutives par la présence intrinsèque et l’usage-maître d’un corps vibrant, émissaire, elle parvient très finement à désystématiser sans la ruiner la signification explorée. Il faudrait précisément regarder ses sons et savoir/pouvoir analyser l’impact et leur réverbérations sur nos corps.

Par quels instruments physiques et mentaux le son se réinjecte-t-il à quel endroit de la sensation ? À quelle pulsion ? À quel moment recoïncide-t-il dans les ambiances, les circuits de cet humus audio scriptural et tracé, dessiné, filmé qui absorbé ou disparu impacte ou affleure ? Et d’où surgit un aleph vocal ? Où y perlaborent les langues les langages leurs troncations élongués leurs manquements aussi, comme on le prononce en psychanalyse qui fait défaillir le symptôme névrotique, promeut le possible processus de symbolisation. D’où la nécessité d’ailleurs de l’exposition et à quel point elle s’impose à Violaine Lochu, car il ne faudrait surtout pas cantonner cet art du côté de la scène, du spectacle vivant, de la captation de l’instant ou de son émotion, ni l’englober non plus dans un régime démonstratif d’effets de court-circuitage, de norme ou de codification à venir, ni vers le didactisme, de l’auto-éducation aux savoirs alternatifs aussi. Quoiqu’il y ait de tout cela ensemble. Car si l’enjeu de l’exposition est de centrer, non pour des raisons purement réductrices d’écologie de la monstration, comment axer alors ce centre intime et impersonnalisé, feuilleté et ramifié déjà, franchement irregardable ?

Plus encore qu’à son habitude, happée peut-être par l’injonction d’ailleurs, l’onomastique du lieu, Les Ateliers Vortex, l’exposition lui permet ce resserrement tourbillonnaire, son écoulement fluide qui éprouve et l’arrêt aussi de l’axe instantané qu’est sa voix, cette partie confiée qu’elle arme spécifiquement. Signal Mouvement, à partir, propose ouverte une forme de théorisation par la pratique circulatoire, une démonstration mélopée haptique entre la performance, le son, le dessein et  dessin, la thérapie aussi, le parcours et sa perception pour autrui vibrée. Par les unités de lieu, de temps, de contexte, entre la pièce sonore conduite/construite, la performance qui en émet, diffusée et continue, qu’autrui soi-même visiteuse/visiteur relaie, négocie en écho, ajoute, évalue, ainsi comme la reprise par Générale d’Expérimentation (Why Note) qui achèvera le temps d’exposition, ou l’échange pragmatique avec Marie Lisel, hypnothérapeute, s’articule et hésite son imprégnation, le souvenir, ou sa présence et laisse agir.

Autour, dessus, à côté, en dessous, cette interlocution est celle du corps en son intégralité précaire de représentation, au regard de ces mêmes médias visuels, cognitifs, sonores, ambiants qui la traversent, duquel il faut de leurs propres cavités cacher nos corps biologiques. Quelque chose d’aussi médusant Lochu qu’un cypher collectif, un commun singulier calapable scientifique écouté par la scorie, la parcelle omnivore qui traduirait, aussi peu scalable et pourtant oui Violaine, du parcours sensible au vibrato engagé maintenu vu de la tenure. Et ce qu’elle propose affolant – ars memoria généralisé et écriture sonore – n’est autre qu’un système démesuré tendu vers une traductibilité immersive, une synesthésie compréhensive à même, une interchangeabilité du dicible/indicible au visible. On disait Son et Lumière, depuis on catégorisera pour elle Sons et Langages.

Jérôme Mauche, septembre 2019


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> Conversation du 4 octobre 2019 <

 


Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2019

LA QUINZAINE DE L’ART CONTEMPORAIN

15 – 30 mai 2021

 

La Quinzaine de l’Art contemporain

Événement
15 – 30 mai 2021

> Réseau Seize Mille <

Les Ateliers Vortex présentent l’exposition « Hypercontrôle » d’ANTOINE NESSI à l’occasion de la Quinzaine de l’Art Contemporain 2021.

«Dans mon travail de sculpteur je m’intéresse aux formes productives, c’est à dire les outils et les machines qui produisent ce qui nous nourrit, nous équipent… (…) En partant du postulat que ce que nous fabriquons nous fabrique en retour, j’imagine des usines et des lieux de production dont le produit final est l’être humain. »

À découvrir en ligne pendant l’exposition, 7 mai au 19 juin 2021.


> Événement Facebook <

> Lien vers l’exposition <

> Atelier en ligne <


Conception graphique: © Atelier Tout va bien, 2021

LA PASSANTE

samedi 26 septembre 2020

 

LA PASSANTE

Performance
samedi 26 septembre 2020

> Sanja Todorovic <

Les Ateliers Vortex ont convié l’artiste Sanja Todorovic à réaliser une performance inédite, intitulée La Passante. Cet événement fait suite à une invitation de Why Note, sur une thématique arts visuels et créations sonores, avec le soutien du Consortium Museum.

« Une barre centrée sur un podium circulaire est cernée par quatre ou cinq enceintes et autant de thérémines reliés entre eux. Cette connexion produit des sons continus actionnés et modulés par le corps qui évolue sur la barre centrale.
Assignées à fabriquer des sons hybrides, les machines font écho au corps en mouvement.
Dans un paysage industriel, l’inévitable manque de certitude résonne dans un crescendo sonore étiré, à la conquête d’un espace poétique. »

Sanja Todorovic

Lien vers la captation vidéo de la performance

 

NIETZSCHE (AB DEEP CHOPPED & SCREWED VOCAL REMIX)

samedi 14 novembre 2020

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.https://www.youtube.com/watch?v=t4R4iy1kbBE&feature=youtu.be
 

NIETZSCHE (AB DEEP CHOPPED & SCREWED VOCAL REMIX)

Performance
samedi 14 novembre 2020

> Antoine Bozzoli <

Sur une invitation des Ateliers Vortex, en partenariat avec Why Note, Antoine Bozzoli, diplômé de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon, a proposé une création sonore inédite, diffusée au sein de l’exposition de Maude Maris.

Jeune artiste et musicien électronique, Antoine Bozzoli développe un travail de peinture lié au monochrome. Ainsi, il met en perspective différents points de vue d’une même peinture, à la manière des différents mixs d’un même morceau. D’autre part, il produit des pièces sonores, basées sur des ambiances musicales auxquelles il ajoute des éléments vocaux issus de la littérature, de la philosophie, de l’histoire de l’art. La pièce réalisée aux Ateliers Vortex s’inscrit dans cette modalité de production. Elle est composée en live, à partir de différents arrangements – atmosphères sonores conçues par l’artiste et lecture de Ainsi parlait Zarathoustra en version livre audio.


> Lien vers l’exposition <


APÉRO MULTIPLE V

vendredi 5 juillet 2019

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APÉRO MULTIPLE V

Événement
vendredi 5 juillet 2019

Multiples
> Guillaume Dorvillé <
> Frédéric Houvert <
> Violaine Lochu <
> Cécilia Philippe <

Lancement du catalogue 2012 – 2018
des Ateliers Vortex

> Conception graphique : Atelier Tout va bien <

Programmation vidéo
> Driss Aroussi <
> Julie Chaffort <
> Elodie Collin <
> Laura Henno <
> Ana Maria Gomes <
> Lola Gonzàlez <
> Jade Jouvin <
> Camille Llobet <
> Randa Maroufi <

Musique
> Set de Nicolas Thirion & Baptiste Chatel (Why Note) <
> DJ set d’Alcor <
> Table de ping-pong sonore (Why Note) <


> Télécharger le communiqué de presse <


Photographies : © Cécilia Philippe, 2019