IN TWO III

21 janvier —
12 février 2022


EXPOSITION D’IVÀN CHAVAROCHE & VIOLENCE HUMBERT-SEGARD PERFORMANCE SONORE DE LEA TANIA LO CICERO & NICOLAS THIRION

Exposition 21 janvier – 12 février 2022

> Ivàn Chavaroche <

> Violence Humbert-Segard <

Les ténèbres du quotidien s’abattent sur quiconque tente de s’en extraire. L’infernal diktat de la peur, maîtresse de tout destin, s’installe comme un tuteur. L’on tremble d’être à ce point submergé par le réel, immobile, transcendé par sa condition propre. Dans la nervosité florissante, seuls demeurent les yeux écarquillés : impossible de rebrousser chemin.

Pétri de nausées, il faut échapper à l’ordinaire et se jeter à corps perdu dans la fragilité des illusions. Puisque la fuite ne peut se faire au dehors, elle se fera tout au creux du lucide. Il va lui falloir faire le deuil de ce monde qu’il a quitté ; embaumer sa nostalgie et mettre en bière ses souvenirs. En extraire quelques engrammes pour en faire des reliques.

Il n’est d’autre choix que de narrer les éclosions de l’abîme. Gonflant l’absurde qui en devient rutilant, l’on s’esclaffe devant le pire car le règne irréfutable de l’angoisse condamne à pouffer. Convulsant violemment, désarticulé par de fiévreux délires, l’hôte jusqu’alors baillonné par le ridicule s’en verra délivré.

S’il est des larmes sans valeur, aucun rire ne trompe sur la peur qu’il occulte. Il est comme un petit bond : infime dérogation à la condition terrestre.

Cynisme épanché, l’on laisse des traces pour ne plus jamais être là : vestiges d’un quotidien minable et forcément minable puisque quotidien.

Crispé, sourire béant : mourir de rire, c’est mourir quand même. »

Charmant Bourreau, 2022


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> Performance Vernissage IN TWO III <

> Performance Finissage IN TWO III <


Crédits photographiques : © Thai Binh Phan Van, 2022

IN TWO

27 janvier —
10 février 2021


CHARLES THOMASSIN ET MARION LEMAÎTRE

JAMES TENNEY PAR ANNE BRISET

EXPOSITION ET PIÈCE SONORE

Exposition 27 janvier – 10 février 2021

> Marion Lemaître <

> Charles Thomassin <

« Marion, Charles, Qu’est-ce que l’entropie ? Il y a beaucoup de façons d’expliquer ce processus. Je choisis, pour ma part, un exemple : nous faisons un tas de sable sur la plage, ou un trou dans le sable, cela revient au même. Le tas ou le trou, et tout ce qui les constitue, sont à un endroit de la plage bien localisable. En termes de physique, on dira que la plage constitue un ensemble ordonné : à tel endroit le tas ou le trou, ce que les constitue ; partout ailleurs, rien qui soit en rapport avec ce que nous avons produit. La marée monte. Le tas de sable ou le trou dans le sable disparaissent progressivement. L’ordre qui existait commence par décliner : ce qui était là est désormais, pour une part croissante, ailleurs, c’est-à-dire vis-à-vis de l’ordre qui existait, n’importe où. A la fin, il n’y a pas plus de raison de chercher la trace de ce que nous avions produit ici que là, sur la plage. L’entropie est alors maximale. Car l’entropie est la mesure d’un état de désordre dans un ensemble ordonné.

L’entropie mesure aussi la diminution du niveau d’énergie dans un ensemble clos, séparé de son environnement. Le tas de sable ou le trou dans le sable ont été produits grâce à une dépense d’énergie musculaire de nos bras. On pourrait dire que cette énergie, en tant que nécessaire pour que le tas ou le trou agrègent, d’une certaine façon, des grains de sables et de l’eau, tenant ensemble, a été comme incorporée à cet ensemble de sable et d’eau, à la forme qu’ils constituent. Quand la marée monte, cette énergie ne suffit plus à maintenir la forme qui peu à peu s’effrite, disparaît. Lorsque la forme a disparu, l’entropie, comme mesure de la diminution de l’énergie contenue dans un système, atteint son maximum.

L’entropie est et n’est pas une fatalité. Elle l’est parce qu’il n’est pas possible de la stopper. Au mieux, on la ralentit. Mais le terme reste, inévitable. Elle n’est pas fatale parce que le processus de l’entropie – on pourrait parler paradoxalement de force entropique – peut être retourné contre lui-même. C’est-à-dire que ce qui désordonne va être utilisé pour réordonner ; ce qui supprime l’énergie va être utilisé pour produire une nouvelle énergie. C’est ce qu’a fait Robert Smithson. Smithson utilise le processus entropique qui détruit l’ordre d’un paysage, qui supprimant l’énergie qu’il contient, l’amène vers la mort, l’immobilité lunaire. Il l’utilise contre lui-même, en créant des formes à partir d’un état de dégradation (de l’ordre et de l’énergie) déjà très avancé. Smithson utilise pour cela essentiellement des minéraux, des pierres, des cristaux, parfois aussi des éléments empruntés au monde industriel. Des pierres, avec des faces taillées, appartenant à différents mondes historiques et géologiques, tenues et soutenues parfois par des éléments de métal qui viennent du monde de l’industrie, du chantier, du travail, c’est bien ce que tu utilises, Marion, lorsque toi-aussi tu retournes le processus entropique contre lui-même ?

Ed Ruscha, par d’autres moyens, picturaux, ou dérivés du pictural, a opéré le même retournement vis-à-vis d’un aspect de l’entropie qui ne regarde plus la physique mais les processus de la communication. Dans ses peintures, Ruscha utilise des signes très dégradés dans leur capacité de signifier : Hollywood, Boss, Ouf, Standard, Adios, etc. Les mots, mais aussi les images, dès lors qu’on les utilisent comme signes, s’usent, se dégradent, deviennent « bruit » (bruit linguistique ou bruit optique), à mesure qu’on les utilise, pour tout et pour rien, jusqu’à n’être plus que des rebuts, déchets du processus communicationnel, flottant à sa surface. Mais il suffit de récupérer ces bribes de sens, avant leur disparition, de les agencer, les « serrer » ensemble, dans un nouveau processus communicationnel, un processus non plus épuisé, mais actuel, toi, moi, lui, pour retourner la puissance entropique contre elle-même. N’est-ce pas ce que tu fais, Charles, avec des fragments d’affiches, d’imprimés, agrégés à des mousses, serrés par des sangles ? Tiens, encore ce qui vient du travail : sangles de déménageur, d’assembleur de mobilier.

L’épidémie accélère l’entropie qui désagrégeait toujours plus vite et profondément tout ce qui, avant elle, ne tenait plus que par miracle, dans notre si vieux monde : partis politiques et syndicats, démocratie parlementaire, institutions, et en premier lieu les écoles, structures dites culturelles, etc. Tout demeure et peut demeurer longtemps par simple inertie, comme un vêtement de travail qui a force d’être porté garde la forme du corps absent. Quoi ensuite ? Du pire ou du meilleur, cela ne dépend que des hommes. Marion, Charles, qu’est-ce que l’entropie ? Réussirons-nous ? »

Pierre Guislain, 2021

Pierre Guislain est professeur de philosophie à l’Ecole Nationale Supérieure de Dijon, enseignant de philosophie à l’Université de Bourgogne, auteur de plusieurs livres sur le cinéma.


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Photographies : Les Ateliers Vortex

LOUCHE

4 septembre —
3 octobre 2020


LOUCHE

Exposition 4 septembre — 3 octobre 2020

> Ken Sortais <

Le plumage est sombre, l’œil fixe et menaçant laisse entrevoir le théâtre du drame à venir. Si Opera du cinéaste italien Dario Argento s’ouvre sur le regard prismatique de l’oiseau de mauvais augure, celui-ci vient clore l’exposition de Ken Sortais par une présence discrète. À la manière d’un scénario horrifique dans lequel l’étau se resserre sur la proie, Ken accule le visiteur dans un repère de volatiles. Seule présence humaine jusque-là tolérée, le Moïse pétrifié témoigne du désir de vengeance des créature à plumes.

Composant son exposition comme un tableau de chasse, Ken Sortais dévoile, pour partie, les rouages de ses obsessions. Promeneur solitaire, c’est d’abord par l’exploration urbaine et la recherche en ligne qu’il identifie l’objet de son récit. Il s’approprie ainsi des images qu’il détourne, des formes qu’il réplique par le moulage. De la rue il passe à l’atelier et emprunte au passage à la culture du graffiti, écho à sa vie antérieure. Abandonnant une pratique nocturne interlope, il recentre son champ d’intervention sur l’espace à investir.

C’est ici que la vision se trouble. Ken Sortais obscurcit et transforme la salle. De la chouette, emblème unique et chéri, il fait une nuée qu’il saccage dans un réflexe adolescent. Des têtes de pigeons difformes sont lacérées et frottées, dans une veine tentative d’effacement. Mais d’étranges formes rebondies et charnues semblent s’interposer, temporisant la violence de ses gestes. Icônes classiques et cartoonesques, sculptures à la sensualité picturale, et installations monumentales emplies d’air, parachèvent l’esprit duel du travail de Ken Sortais. Cette dualité semble louche à tous points de vue : résultant du regard divergent que l’artiste pose sur son environnement, elle sème le trouble, laissant derrière elle un sentiment vague de malaise, d’inquiétude.

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal 1, les oiseaux prennent possession des Ateliers Vortex et Ken Sortais nous invite à pénétrer le nid.

1. Jose Maria de Heredia,  « Les conquérants », Les trophées, Paris, Gallimard, 1981 [1893].

Marion Payrard


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2020

PAR AMOUR DU GOÛT

14 mars —
20 juin 2020

Exposition Par amour du gout de Mazaccio et Drowilal aux Ateliers Vortex

Exposition Par amour du gout de Mazaccio et Drowilal aux Ateliers Vortex


PAR AMOUR DU GOÛT

Exposition
14 mars — 20 juin 2020

> Mazaccio & Drowilal <

Bel Air

Quelques individus,
occupant la pelouse où défèquent leurs chiens,
observent en riant l’éconduction du rien.
La chaleur diminue.

Une star peu vêtue,
circule en titubant dans les rues de Bel Air,
passe chez Taco Bell puis s’achète des bières.
Finit en garde-à-vue.

Un ciel acidulé où s’écrase l’image
projetée sur l’écran du cinéma drive‐in.
Nicole Kidman multiplie son visage
sur les capots lustrés des Break et des Berline.

Sur le parking, la lune presse sa craie blanche,
éclaire les volutes bleues d’un graffiti.
Quelques sacs plastiques dans l’ombre se retranchent
et s’emberlifiquotent dans les roues d’un caddie.

Marcel Devillers


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2020

 

PROSPECTIVE PARESSEUSE

3 septembre —
2 octobre 2021


PROSPECTIVE PARESSEUSE

Exposition Du 3 septembre au 2 octobre 2021

> Cédric Esturillo <

Ambiance post-indus. Vous passez une grande porte grise et traversez un corridor grillagé. Au bout, un escalier de métal. Vous l’empruntez, et en gravissant les marches cernées de bâche, vous vous sentez l’âme d’Amanda Ripley, errant dans la station Sébastopol en quête d’une boîte noire. Un peu inquièt·e, vous guettez ce qui vous attend en haut de ces marches, et à mesure que vous montez, vous apercevez une forme massive, grise et rouge, qui vous surplombe. Vous entrez dans « Prospective Paresseuse », exposition de Cédric Esturillo aux Ateliers Vortex.

Vous regardez autour, en quête d’indices. L’époque des objets qui vous entourent est mystérieuse, l’atmosphère est lourde. Il fait rouge et gris, la lumière est bâchée. Des formes à la fois minérales et organiques sortent de terre. Vous faites toujours face à la sculpture qui vous a acceuilli·e, I.N.R.S.M. , sorte d’autel-comptoir-cheminée semblant fait de pierre, orné d’un bas-relief fait de mains coupées, fraîchement saignantes. Doigts et crêtes torturées émergent carrément du comptoir, poussant sous sa surface – serait-ce le malheureux destin de celleux qui ont érigé ce monument, ou bien une mise en garde ? Des pics vous surplombent, cerclant la cheminée de cet étrange monument. Vous vous approchez quand même, découvrez que la pierre n’est autre que du bois peint et une étrange céramique posée sur le comptoir…. preuves autant que troubles pour la quête temporelle que vous menez ici. Êtes-vous face à des restes d’une civilisation disparue ? Rien n’est moins sûr.

En parcourant l’exposition, vous vous rendez bien compte que I.N.R.S.M. a donné le ton. L’espace alentour semble s’organiser avec un motif commun. Formes et objets se répondent, leur provenance et leur datation sont ambiguës. Sorties de terre ou embarquées d’un ailleurs avec leur sol, les sculptures de Cédric Esturillo mélangent et citent des esthétiques distinctement reconnaissables – mobilier gallo-romain, architecture industrielle, medieval fantasy ou dark science-fiction – pour néanmoins semer la confusion dans nos esprits. De quoi, de quand, ces sculptures sont-elles témoins ?

Tout semble presque en ruine, figé dans la raideur du MDF et de la couche de peinture effet pierre. Sauf que cela semble bouger, que la chair rouge du bois teinté entame une sortie de sa pétrification, tel l’entrelacs de mains de Nostromo. Sous la pierre, un charnel à vif presque cronenbergien fait muter les décombres. Ceci dit, cette même main, à peine sortie, se trouve réceptacle de chaînes et d’agglomérats de coquillages. La transition semble alors permanente, pierre devenant chair devenant reliquaire. A force de trouble, on comprend bien que dans « Prospective paresseuse », le temps est donc bien une donnée centrale, autant que celle de la fiction.

La question du quand se double alors d’une quête des secrets que renferment les objets. Disséminées dans l’exposition, elles-mêmes posées sur d’autres œuvres, des céramiques aux allures de parasites aliens gothiques renferment des fioles de sérum physiologique, devenu un précieux liquide encapsulé dans son écrin. Un liquide aujourd’hui aisément acquérable devient alors une fiole magique. À quel moment est-il donc devenu une denrée si rare qu’on en fait une inestimable relique ? Se dessine alors le scénario d’un futur post-apocalyptique, où l’eau, même salée, ne se trouve plus qu’en fioles, où pollution, fumigènes et pourquoi pas tempêtes stellaires ne laissent à nos yeux aucun répit.

Quelque chose s’est passé, qui ressemble plus à une usure qu’à une déflagration. En témoignent les lambeaux de bâche pendant aux barreaux déformés de grilles qu’il nous semble avoir déjà vues à l’entrée du site. Dans ce futur, plus ou moins proche mais définitivement rétro, la joaillerie bon marché nineties se charge de spiritualité. On jette une pièce dans le réceptacle de Billie – bénitier de céramique aux allures de divinité aquatique – et on souhaite de tout cœur que l’avenir ne soit pas trop sombre, l’environnement trop hostile à la vie. Des traces en subsistent, l’habitation est possible. Il y a encore quelqu’un dans le vaisseau : une table nous attend.

La table appendice n’est néanmoins pas très rassurante, sous son allure de mobilier mutant. Sa base coralienne et son plateau-placenta donnent l’impression qu’elle est prête à engloutir ce qui s’y trouve. Dessus, un cendrier et des verres en métal nous laissent pourtant penser que l’on pourrait s’y installer, ou que quelqu’un·e vient tout juste de quitter les lieux. Au design rudimentaire, semblant avoir été fait dans des pièces automobiles, ces objets usuels laissent penser à un futur plus rafistolé qu’high-tech et clinquant. Se pourrait-il que les verres contiennent « L’Épice », substance aussi rare que précieuse en provenance d’Arrakis ? Le cendrier, quant à lui, fait aujourd’hui figure d’anachronisme dans un lieu public. Mais qu’importe, installons-nous confortablement dans un futur post-apocalyptique eighties. La boucle serait bouclée, on reviendrait sur nos pas dans la base Sébastopol, avec ses cartes à puces et téléphones filaires. La prospection aura été courte, puisqu’elle nous aura ramené·e·s dans le temps. Il semble cependant quelque peu risqué de se complaire dans la rétrospection – la créature rôde toujours dans les couloirs.

Au cœur de cette atmosphère rétrofuturiste sombre, Cédric Esturillo nous donne précisément à réfléchir sur l’idée que l’on se fait du futur et sur les représentations dont cette projection est pétrie. Ses ruines et reliques sont elles-mêmes des représentations, aussi dark que pop, et hybrident des codes visuels couvrant plusieurs siècles. Plus que le futur, nous nous trouvons dans le décor que la science-fiction et la fantasy lui ont imaginé il y a de cela plusieurs dizaines d’années. C’est dystopique mais rien ne s’effondre, à part peut-être notre prise sur le réel et sur le temps présent. Nous voilà donc coincé·e·s dans une reconstitution de futurs qui ne sont pas advenus, un cimetière pop. C’est alors là que la prospection relèverait d’une certaine paresse, que le titre élusif et oxymorique prend tout son sens. La proprension à imaginer le futur se retrouve, telle cette chair imbriquée dans la pierre, cantonnée à recycler le passé comme un style qui évoquerait, de fait, un rétrofuturisme. Serait-on en train de constater la « lente annulation du futur » formulée par le philosophe Mark Fisher ? Hanté par le passé, imbibé de « nostalgie formelle », le futur bouclerait, perdant de sa substance à chaque révolution. Indolemment, on accepterait alors de se laisser couler dans le reconnaissable, quitte à ce qu’il soit sombre et inhospitalier.

Entre de divers et lointains dark ages, et le pendentif dragon star des nineties, on pourrait presque y croire. Sauf que quelque chose coince, il y a un grain de sable dans ces rouages nostalgiques. On se pique à un chardon sec et l’on se réveille. Nous l’avons dit, nous sommes dans un décor, une fiction, qui assume pleinement sa facticité comme la peinture pierre affirme son trompe-l’oeil. Mais loin de nous offrir une fiction purement dystopique ou bien même un constat d’un monde en dérive, Cédric Esturillo nous ouvre une brèche, pour ne pas sombrer dans une torpeur certes rassurante, mais mortifère. Dans le futur de « Prospective Paresseuse », les choses bougent encore. Le corps n’est ni augmenté par la technologie, ni par une substance extraterrestre, mais il fait tenir les choses entre elles. Mieux, il en sort, à vif et grouillant de vie. On trouve là une forme de spiritualité, de lien entre matière vivante et inerte, que les céramiques reliquaires ne viendront pas contredire. Et si les sculptures peuvent sembler des tombeaux, elles sont pour autant déjà devenues le socle d’autres histoires, accueillant d’autres sculptures ou devenant mobilier.

Dans l’exposition, formes, objets et matières sont, plus qu’en mutation, en transition. Le serpent qui a abandonné sa mue dans Shai-Hulud peut alors se lire comme un signe, celui d’une perpétuelle transformation. La magie que l’on nous sommait de chercher en introduction ne réside peut-être pas dans un artefact, et sa quête est peut-être vaine. Néanmoins, les possibilités restent ouvertes pour sortir de notre torpeur, et c’est peut-être cette idée de mouvement, de retournement des choses qu’il nous faut continuer de chercher.

Carin Klonowski, septembre 2021


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> Conversation du 2 octobre 2021 <


Photographies : © Siouzie Albiach, 2021

FAUT-IL QUE SA COLÈRE SOIT EXEMPLAIRE ?

11 octobre —
16 novembre 2019

Fanny Durand aux Ateliers Vortex
 
Fanny Durand aux Ateliers VortexFANNY DURAND LES ATELIERS VORTEX
 

FAUT-IL QUE SA COLÈRE SOIT EXEMPLAIRE ?

Exposition
11 octobre — 16 novembre 2019

> Fanny Durand <

 

Après que le soleil est couché

« Après que le soleil est levé, elles s’enduisent le corps d’huile de santal de curcuma de gardénia. Elles posent un pied en appui sur un tronc d’arbre. Les mains frottent alternativement leurs jambes dont la peau luit. Quelques-unes sont étendues. D’autres les massent du bout des doigts. Les corps nus brillent à cause de la grande lumière du matin. Un de leurs flancs est irisé d’un éclat doré. Le soleil levant fait de même quand il envoie ses rayons à l’oblique sur les troncs dressés et circulaires des arbres. Les arcs de cercle ainsi touchés réfléchissent un peu de la lumière, leurs contours s’estompent. »

Monique Wittig, Les guerrillères (p 19)

L’exposition « Faut-il que sa colère soit exemplaire ?  de Fanny Durand aux Ateliers Vortex poursuit un travail mené depuis plusieurs années dont le sujet central est la violence politique exercée par des femmes. L’attention portée par Fanny Durand au champ des luttes armées, aux dimensions sociale et politique de la guerre, est exemplaire dans la persistance avec laquelle l’artiste a interrogé les phénomènes guerriers dans leur complexité, arpentant le temps long de l’histoire. Les visiteurs sont accueillis dans l’exposition au rez-de-chaussée par une première liste, les noms de 127 combattantes auxquels l’artiste ajoute une information géographique, le nom du pays d’appartenance des femmes citées. Cette liste est inscrite directement au mur en noir sur fond blanc en typographie arial, choisie par l’artiste pour faire écho à la typographie utilisée par Google, moteur de recherche sur internet le plus utilisé dans le monde. La référence au champ d’internet est ici essentielle : les recherches menées par Fanny Durand sur les femmes combattantes ont été menées uniquement par le biais de l’outil internet, une contrainte reflétant à la fois une économie de moyens limitée  – et nous renseignant sur les conditions de travail d’une jeune artiste – et pointant l’importance d’internet dans l’accès aux informations aujourd’hui et les enjeux politiques qui sont attachés à cet empire digital incarné par Google. 

La sobriété formelle de cette liste inaugurale met en avant un contraste radical avec d’autres travaux précédents de Fanny Durand. Depuis plusieurs années, cette dernière a persisté dans son intérêt spécifique pour les croisements entre politique et esthétique, s’emparant des motifs qu’elles identifiaient dans la forme des armes et des uniformes militaires, les détournant dans le champ de l’art par le biais d’objets domestiques et de techniques inspirées de l’artisanat. De détournement en travestissement, dans un va-et-vient constant entre stéréotypes masculins et féminins, dans sa traversée singulière de l’histoire des guerres, la question de la violence des femmes semble s’être frayée un chemin, et imposée comme territoire urgent de recherche, de travail artistique, de prise de conscience politique et de prise de position féministe. 

Aux Ateliers Vortex, Fanny Durand met de côté les formes du décor au profit d’une toute autre dramaturgie. 

Submergées par la lecture d’une liste dans laquelle nous ne reconnaissons que peu de noms, nous sommes invitées à gravir les escaliers pour rejoindre la suite de l’exposition. Ce qui est d’emblée frappant est le parti pris de l’artiste de laisser place au vide dans l’espace, ne pas tenter de le combler, c’est à dire de prétendre qu’il y aurait beaucoup à montrer. Car le sujet que Fanny Durand s’est attelée à rechercher, et à construire, celui de la Femme Combattante, est peu loquace, tapi dans l’ombre, effacé, à la fois invisible et inaudible. Fanny Durand travaille ici sur ces deux dimensions à la fois. La visibilité articule l’inscription monumentale des noms des combattantes aux documents sortis par l’artiste des strates numériques pour trouver leur place sur les murs de l’exposition. Ils s’étalent sur deux murs se faisant face donnant à voir l’hétérogénéité des sources identifiées par l’artiste-chercheuse. Les images sont montrées tel quel, souvent de faible qualité numérique, laissant apparaître des figures pixélisées, difficilement reconnaissables. Et si les voix de ces femmes restent inaudibles, Fanny Durand propose néanmoins d’écouter des mots, ceux qui constituent un index pour sa recherche, associant chaque combattante à un nuage de termes qui permettent de produire du sens, de les relier, de dégager des lignes de questionnements, d’opérer des rapprochements historiques, géographiques, ou politiques. Une voix de synthèse remplit l’espace et construit, par le son, une architecture invisible. L’espace est aussi partitionné par un mur temporaire, restreignant l’espace disponible, rendant inaccessible une partie de l’étage. Elle donne ainsi une forme concrète à l’idée centrale de l’inaccessibilité, de l’ampleur de l’enfouissement d’une histoire des femmes dont on commence à saisir la richesse. 

La démarche archéologique entreprise par Fanny Durand fait écho à d’autres démarches féministes dans d’autres champs. Dans sa préface au livre « Penser la violence des femmes », l’historienne Arlette Farge affirme : « Dans les combats et les révolutions, la dénégation la plus cruelle, le déni le plus intenable en ce qui concerne la violence féminine, c’est de ne jamais cesser de lui retirer toute motivation politique, tout engagement militant, toute participation consciente et sue à la vie politique. » Plus récemment, la philosophe Elsa Dorlin publiait « Se défendre. Une philosophie de la violence », ouvrage au sein duquel elle aborde la question de la violence des femmes et leurs luttes politiques d’émancipation. Fanny Durand contribue avec ses propres moyens au dépassement de l’opposition entre légitimité et illégitimité de la violence, à la prise en compte de la contribution des femmes aux luttes sociales et politiques, sans nier la complexité de celles-ci. Dans l’héritage de penseurs comme Frantz Fanon ou Monique Wittig à laquelle elle rend hommage dans le choix du titre de l’exposition, Fanny Durand pose ici l’essentielle distinction entre ceux qui possèdent leurs corps en propre et ceux qui en sont dépossédés, soulignant le lien indéfectible entre la possibilité de se défendre et l’affirmation de soi comme citoyen et sujet. 

Vanessa Desclaux


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2019

HYPERCONTRÔLE

7 mai —
19 juin 2021


HYPERCONTRÔLE

Exposition Du 7 mai au 19 juin 2021

> Antoine Nessi <

Je vais être transparent avec vous. Ça fait quand même un paquet d’années que je travaille dans cette boîte. Au bout d’un certain temps, on commence à en avoir vu pas mal… Ici, on fait toutes sortes de conduits pour transporter les gaz, des vannes, des valves, des tuyauteries, tout ce qu’il faut pour diriger les flux, et que ça supporte les fortes pressions. Nous aussi, de la pression on nous en met un peu. Il ne faut pas qu’il y ait une milligoutte de travers, vous imaginez bien. Pour ça, on a toutes sortes d’examens, de vérifications, de mesures. Ici, l’ordre, c’est l’ordre. Dans une chaîne de production, il y a une place pour chaque chose. Rien qui dépasse. Normalement, je dis, normalement. Les flux de gaz, comme les matériaux, comme les informations, ça se distribue, ça se filtre. C’est une profession. Par exemple, les décisions viennent d’en haut, l’exécution reste en bas. Les intérimaires ici, les salariés là. Fraiseuses, meuleuses, tours à métaux : là-bas, là-bas, là-bas. Moi, dans tout ça, je suis manager. J’organise les corps, je décompose le travail. Je rythme. La main, la tête, les pieds. Ensuite, chacun se débrouille pour remplir sa mission. La qualité, c’est la confiance dans le capital humain avant tout, il faut jamais l’oublier. Cela dit, j’ai plutôt l’habitude de l’ingratitude, voire de l’impertinence. Ça arrive. Et j’en ai vu des choses pendant toutes ces années, comme je vous dis. Mais alors, il y a quelques jours, j’ai remarqué un comportement suspect que j’avais encore jamais vu. Là, on tient un sacré coquin. On dirait qu’il est venu exprès pour nous faire tourner bourrique. Ce qu’il fait, c’est très simple. Quand je suis là, il travaille, et plutôt bien. C’est dès que j’ai le dos tourné que ça part en vrille. Il va fouiner dans les poubelles pour retrouver des ratés de la chaîne, il s’en met plein les fouilles. Puis il se met à bidouiller des trucs, là, pépère. Non, mais on rêve, vraiment. J’ai bien repéré comment il procède. Il croit qu’il peut se mettre à cachotter quand je ne le vois pas, sauf que moi je vois tout. Faut pas croire. Il cherche une faille dans les contrôles de personnel, un moment d’absence, et hop il va piocher dans les rebuts de production. Pas gêné. Puis il se faufile en bout de chaîne pour faire ses petites baroqueries. Et ça sculpte en douce, et ça machine des trucs. Lui, il passe son temps à faire l’artiste pendant que les autres ils bossent. Ça me faire sortir de mes gonds. Je me demande vraiment à quoi je l’emploie, celui-là. Et qu’est ce que je peux y faire ? Faute professionnelle ? Délit de création ? Jusque là il a réussi à être discret, parce que justement il manipule les mêmes choses que les autres. Il a beau s’installer son petit atelier perso, cet atelier c’est le nôtre. À tous. Il utilise nos matériaux, nos formes, nos outils, nos techniques. Nos figures, mêmes. Ici, on ne peut pas se réinventer, c’est pas possible. Tout ce qu’on touche, tout ce qu’on fait, ça vient de l’entreprise, ça ressemble à l’entreprise, ça sert l’entreprise. Malgré ça, avec son air de rien, avec son air de faire comme les autres, il est quand même en train de tout nous mettre sens dessus dessous. Il dérègle le process, il fait foirer ma chaîne de production, il déconcentre mon équipe. Et en plus, le pire, c’est qu’il arrive à intriguer ! Tellement que je vais plus savoir quoi en faire. Parfois, il demande un coup de main à ses collègues pour telle ou telle bidouille de son cru. Et ils jouent le jeu, les cancres. Les vaches. Au fond, j’ai même l’impression que ça leur fait assez plaisir.

Marilou Thiébault


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2021

SIGNAL MOUVEMENT

6 septembre —
4 octobre 2019

 
 
 
 
 
 
 
 
VIOLAINE LOCHU SIGNAL MOUVEMENT ATELIERS VORTEX
 
 

SIGNAL MOUVEMENT

Exposition
6 septembre – 4 octobre 2019

> Violaine Lochu <

En quelques années soudain Violaine Lochu a mis en place une formidable pratique artistique intense qui du micro au macrocosme redélimite à chacune de ses interventions un champ très spécifique qui partant des marges et schyze de l’art contemporain en interroge ses devenirs avec acuité.

Sa démarche, avec ambition, associe pièces sonores, performances, vidéos, installations, dessins, partitions et improvisations, perceptions et collections, effets de savoir comme de désynchronisation, autant d’éléments (au très pluriel) qui pourraient paraître chaotiques ensemble, tant leurs logiques visuelles, poétiques, sculpturales, heuristiques sont pour le moins antinomiques. Et pourtant que se passe-t-il ? Au centre de son travail, à chaque fois, comme un pari, elle lance et disperse le matériau de sa propre voix diffractée merveilleusement mobile labiale pharyngée et ultra-maîtrisée, dont l’expertise la plus classique lui fait effacer la trace. Il y a d’abord l’instant de l’enquête, de la collecte, car sa méthode a toujours aussi quelque chose en mouvement d’empirico/technico/anthropo/socio/musico/inventivo/analytique. Ce qui en résulte, ce qu’elle donne à entendre et qui fusionne est proprement explosif talentueux stupéfiant.

Ce que recommence Violaine Lochu a certainement à voir avec ce « sommet du babil » dont parle le linguiste Jacobsen, propre au« nourrisson capable de tout », lequel se voit contraint d’abandonner l’omnipotence vocale polymorphe sans pareil dont il est détenteur à la naissance pour acquérir une langue, entrer dans une communauté, incapable par la suite sera-t-il enfant adulte de réitérer ses prouesses initiales. Violaine Lochu en serait l’exemple revenu. Constatant la limite des langages comme des savoirs vernaculaires normés, elle laisse vacant dans un premier temps du moins le nominalisme. En échange, elle explore les liens intriqués du son des langues, des idiomes du corps, de l’agencement coïncidence des usages, des discours, de leur entrelacement et de leur inscription, du collectif comme du singulier. Et si la voix est sienne – quoi que le plus souvent ce que nous représentons sans parvenir à le connaître est que nous connaissons sans pouvoir le dire aussi –, les modulations, les phonèmes, les expériences, les temps et les chants sont ceux des autres. L’air qu’elle pulse, les items qu’elle sonorise, les lignes qu’elle poursuit, brise ou discontinue à leur tour composent, installent, enregistrent, imagent.

Proprement expérimental, se relie le vieux rêve des avant-gardes avec et inversement celui des sciences aussi. Elle en dégage progressivement comme une phénoménologie linguistique dans laquelle la/les langue.s parlée.s, inouïe.s, inédite.s, concaténée.s, qu’elle déchiquète autant qu’elle suture, émane tout autant d’une sphère musicale (son point de départ) que poétique concrète multiverse, dont elle déplie les prémisses. Les rationalités striées à l’ordre comme au désordre, la compréhension alors se vocalise. L’horizon performanciel devient une nature qui lui permet d’enclencher le langage quand il est finalisé par l’action et tend à l’action lui-même. Dégondée de ses illusions mimétiques et substitutives par la présence intrinsèque et l’usage-maître d’un corps vibrant, émissaire, elle parvient très finement à désystématiser sans la ruiner la signification explorée. Il faudrait précisément regarder ses sons et savoir/pouvoir analyser l’impact et leur réverbérations sur nos corps.

Par quels instruments physiques et mentaux le son se réinjecte-t-il à quel endroit de la sensation ? À quelle pulsion ? À quel moment recoïncide-t-il dans les ambiances, les circuits de cet humus audio scriptural et tracé, dessiné, filmé qui absorbé ou disparu impacte ou affleure ? Et d’où surgit un aleph vocal ? Où y perlaborent les langues les langages leurs troncations élongués leurs manquements aussi, comme on le prononce en psychanalyse qui fait défaillir le symptôme névrotique, promeut le possible processus de symbolisation. D’où la nécessité d’ailleurs de l’exposition et à quel point elle s’impose à Violaine Lochu, car il ne faudrait surtout pas cantonner cet art du côté de la scène, du spectacle vivant, de la captation de l’instant ou de son émotion, ni l’englober non plus dans un régime démonstratif d’effets de court-circuitage, de norme ou de codification à venir, ni vers le didactisme, de l’auto-éducation aux savoirs alternatifs aussi. Quoiqu’il y ait de tout cela ensemble. Car si l’enjeu de l’exposition est de centrer, non pour des raisons purement réductrices d’écologie de la monstration, comment axer alors ce centre intime et impersonnalisé, feuilleté et ramifié déjà, franchement irregardable ?

Plus encore qu’à son habitude, happée peut-être par l’injonction d’ailleurs, l’onomastique du lieu, Les Ateliers Vortex, l’exposition lui permet ce resserrement tourbillonnaire, son écoulement fluide qui éprouve et l’arrêt aussi de l’axe instantané qu’est sa voix, cette partie confiée qu’elle arme spécifiquement. Signal Mouvement, à partir, propose ouverte une forme de théorisation par la pratique circulatoire, une démonstration mélopée haptique entre la performance, le son, le dessein et  dessin, la thérapie aussi, le parcours et sa perception pour autrui vibrée. Par les unités de lieu, de temps, de contexte, entre la pièce sonore conduite/construite, la performance qui en émet, diffusée et continue, qu’autrui soi-même visiteuse/visiteur relaie, négocie en écho, ajoute, évalue, ainsi comme la reprise par Générale d’Expérimentation (Why Note) qui achèvera le temps d’exposition, ou l’échange pragmatique avec Marie Lisel, hypnothérapeute, s’articule et hésite son imprégnation, le souvenir, ou sa présence et laisse agir.

Autour, dessus, à côté, en dessous, cette interlocution est celle du corps en son intégralité précaire de représentation, au regard de ces mêmes médias visuels, cognitifs, sonores, ambiants qui la traversent, duquel il faut de leurs propres cavités cacher nos corps biologiques. Quelque chose d’aussi médusant Lochu qu’un cypher collectif, un commun singulier calapable scientifique écouté par la scorie, la parcelle omnivore qui traduirait, aussi peu scalable et pourtant oui Violaine, du parcours sensible au vibrato engagé maintenu vu de la tenure. Et ce qu’elle propose affolant – ars memoria généralisé et écriture sonore – n’est autre qu’un système démesuré tendu vers une traductibilité immersive, une synesthésie compréhensive à même, une interchangeabilité du dicible/indicible au visible. On disait Son et Lumière, depuis on catégorisera pour elle Sons et Langages.

Jérôme Mauche, septembre 2019


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2019