COLINE JOURDAN

Hiver 2021-2022


COLINE JOURDAN

Extra Résidence — Artiste en entreprise

Hiver 2021-2022

> Coline Jourdan <

– Quels liens peuvent exister entre ta pratique et le monde industriel ?

Ma pratique photographique questionne et articule les notions de perception et de représentation du toxique. Les liens qui existent entre elle et le monde industriel ne sont pas évidents au premier abord. Mon travail comporte une part d’expérimentation formelle, à partir de matériaux prélevés dans les paysages que je photographie. Dernièrement, mon attention s’est portée sur les environnements miniers. La matière extraite de ces paysages – cuivre, aluminium, zinc –  on la retrouve, sous une forme différente, chez SMT Rotarex. Sa transformation constitue l’essence de l’industrie, c’est la façon dont elle est manipulée, transformée, façonnée qui m’a intéressée.

– Quelles interactions as-tu avec les membres du personnel autour de ta pratique et de ta présence dans l’entreprise ?

J’utilise les matières premières métalliques pour concevoir des expérimentations photographiques. La manière dont je les utilise et les transforme diffère de la manière dont elles sont usinées  au quotidien par les salariés. Mais ils la connaissent et savent comment la travailler. Une partie de ces interactions a donc été d’ordre technique. Pour comprendre ce que je voulais faire avec ces métaux, ils se sont impliqués dans le processus de conception. Je trouve cela toujours délicat, de partager ce moment de création, de montrer les différentes étapes de recherche lorsque c’est encore très nébuleux, ou encore de montrer des essais qui ne sont pas toujours concluants. Mais c’est à ce moment-là que les échanges sont les plus intéressants.

– Quels atouts tirer d’une résidence en entreprise par rapport à une structure artistique ?

Dans ma pratique photographique, je pose un regard sur différents milieux qui ne sont pas intrinsèquement liés à celui du monde de l’art. Pour ce projet, l’importance d’aller me confronter au monde industriel plutôt que de le questionner de l’extérieur est essentielle afin de pouvoir voir et comprendre ses complexités à la fois environnementale, sociologique et politique. En plus d’apporter des connaissances qu’une structure artistique ne pourrait pas donner, une résidence en entreprise permet également de re-questionner sa propre pratique artistique au travers des regards non codifiés, formatés par le milieu artistique.

Entretien avec Coline Jourdan


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Photographies : © Les Ateliers Vortex, 2022

ANTOINE NESSI

Automne 2020

   

ANTOINE NESSI

Extra Résidence — Artiste en entreprise Automne 2020

> Antoine Nessi <

– Quels sont les liens existant entre ta pratique et le monde industriel  ?

Disons que, souvent, l’idée derrière ma pratique, c’est de produire des fictions industrielles, critiques, voire dystopiques, en utilisant autant que possible mes propres outils. Étrangement, une fois immergé dans le contexte purement industriel, ce statement m’intéresse moins, j’ai envie d’en dériver. Ça fonctionne quand il y a du fantasme entre l’usine et mon propre atelier. Maintenant, il va falloir inventer autre chose.

– Quelles interactions as-tu avec l’ensemble du personnel autour de ta présence et de ta pratique  ?

C’est à la fois de l’ordre de la technique – j’ai besoin de leur savoir-faire pour certaines réalisations – et à la fois de l’ordre d’une confrontation artistique. C’est très délicat parce que ce qui m’intéresse le plus (au-delà des outils et des machines) c’est la vie à l’usine, les journées de travail, les rapports de hiérarchie. Je voudrais que les œuvres dessinent une sorte de portrait de l’entreprise. Mais un portrait qui n’est pas vraiment de l’ordre du réalisme, plutôt des sculptures qui modélisent de manière complètement erratique et peut être absurde l’organisation de l’usine. Je sens qu’il y a des gens intéressés par ce que je fais, qui m’encouragent, et d’autres non.

– Quels atouts tirer d’une résidence en entreprise par rapport à une structure artistique  ?

C’est beaucoup plus dur, mais c’est ça qui est bien. On ne travaille pas comme sur une page blanche, dans un absolu idéalisé, mais sur un terrain qui est comme miné. Les formes sont déjà là, il faudrait arriver à les faire parler. Aussi, quand on est artiste, je pense qu’on se demande constamment à quoi l’on sert, mais là, on se le demande avec encore plus d’intensité ! On n’est plus rassuré et stimulé par son milieu. J’aime la sculpture, car pour moi, c’est ce qui se rapproche le plus du travail dans son sens primitif. On peut dire que ce sont les industriels qui ont «  sculpté  »le monde dans lequel on vit, qui ont sculpté nos vies. C’est de ça dont je veux parler au fond. Alors toutes les expériences pour confronter l’art et le monde du travail m’intéressent profondément.

Entretien avec Antoine Nessi


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CONVERSATION entre Laurent Tixador & Marielle Bourdot

Samedi 15 juin 2019

 
 

CONVERSATION

entre Laurent Tixador & Marielle Bourdot
Samedi 15 juin 2019

Exposition VEOACRF / TERETXIN
En partenariat avec Interface


Marielle Bourdot

Née en 1966, vit et travaille à Dijon. Diplomée de l’École Supérieure d’art de Dijon. Son parcours est nourri d’une pratique artistique militante. Enseignante à l’Université de Bourgogne, sa recherche s’oriente vers les dynamiques créatives associées aux luttes et leur impact environnemental et sociétal. 

Ce moment privilégié fut l’occasion d’explorer la pratique artistique de Laurent Tixador et de se questionner sur différents sujets comme le statut de l’oeuvre d’art face aux problématiques écologiques, la création par réappropriation, l’autonomisation citoyenne, les possibilités d’intervention des artistes dans les ZAD, etc.

 Laurent Tixador 

Né en 1965, vit et travaille à Nantes. Diplomé de l’École Supérieure d’art du Nord-Pas-de-Calais, sa pratique artistique se concentre principalement sur l’expérimentation de son environnement. L’artiste s’attache à travailler dans une économie de récupération, jouant avec le matériau qu’il trouve in situ.


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ACIDE

15 octobre —
20 novembre 2021


ACIDE

Exposition
Du 15 octobre au 20 novembre 2021

> Sarah del Pino <

J’avais la veille fait tomber de l’échelle une vieille bouteille d’éther
explosa au sol nous électrisant tous
dans les épaules
dans les éthers, l’étiquette jaune, les pictogrammes défaits
une fumée vieille, très loin dans les ères
une fumée jaune partout au sol et sur la main, sur le chemin pour descendre, changeait de couleur
avec la chaleur
(l’effervescence) du béton     des fleurs gonflaient…
selon mon angle, le sien, je m’imaginais les couleurs
que je prenais dans ce nuage et
vu du bas…

…ses bulles sauvages et ses éthers, ses bouteilles d’éclairs… ses vieilles pierres
à muter     faire surface,
    des fontaines, des meurtrières,
à sourdre.     (des rondes noires au sol se levaient des masses sourdes)

quelle force les poussait ?
je cherchais… un mécanisme, une sorcellerie, la règle d’une
divination
la chimie de ces murs
où j’aurais pu entrer…
    coincé mon regard à la sortie d’un trou, comme à un serpent le terrier.
Là,     verticale et maudite,       une eau vieille et numérique
sorceleuse
    tournait,
(coagulait et semblait ralentir)
l’eau bleu d’un tournesol
tournait
en une eau rouge, protique, grumeleuse

des effluves entre nous, glacées, vernies, vitrées
s’échangeaient…
des branches d’hiver     de sureau, givrées
une nuée froide entre nos yeux
continuait de brûler les graisses de mon cerveau.

…m’est alors venu d’y jeter quelque chose (nous étions ensemble le mur et moi)
trouvant donc
au mur un puits

                   (ou cette fontaine acide d’où sortiraient les pierres)

Valentin Degueurce


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> Conversation du 20 novembre 2021 <


Photographies : © Siouzie Albiach, 2021

IN TWO II

17 février —
03 mars 2021


« PEAU AIME » DE JULIETTE BUSCHINI ET THÉOPHILE SARTORI

TRASHPOP MASHUP PAR NICOLAS THIRION

EXPOSITION ET PIÈCE SONORE

Exposition 17 février – 03 mars 2021

> Juliette Buschini <

> Théophile Sartori <

Ce deuxième opus de la série IN TWO réunit Juliette Buschini et Théophile Sartori, rencontre dartistes à la complicité plastique et aux références communes artistiques comme profanes indéniables.

Si Juliette Buschini entretient avec le médium pictural un rapport presque exclusif, le champ de son répertoire est, quant à lui, beaucoup plus vaste. Traversé par la dualité, son travail est tout à la fois malicieux, mais sérieux, spontané, mais réfléchi, trash, mais sophistiqué, trivial, mais érudit. Puisant dans la culture populaire ses références textuelles et iconographiques, elle projette sur la toile couplets de tubes, slogans publicitaires, et punchlines du moment, établissant avec le regardeur un rapport de complicité et convoquant une forme de musicalité référentielle. Sa pratique de la peinture, mêlant urgence et rapidité, se traduit par une économie de geste. En résulte une sélection impitoyable, basée sur laffect, des toiles ainsi produites.

Comme elle, Théophile Sartori est animé par le besoin impérieux et immédiat de produire. Exerçant sur ses pièces un geste libérateur, il gratte, ponce, érode, arrache, et révèle la tessiture de matériaux souvent jugés communs et dénués de valeur. Témoignant de son intérêt pour leurs différentes strates et dun goût tant vengeur que délicat pour laltération et la contrainte de la matière, ses œuvres s’observent à la manière d’un palimpseste. Son travail, marqué par une économie de moyen et de geste, trahit une forme de mise à nue ; une sincérité sobre et sans arrogance.

Composée au son plutôt brutal de leur répertoire musical commun, l’exposition de Juliette Buschini et Théophile Sartori aux Ateliers Vortex dévoile toute la subtilité d’un jeu de teintes et d’échelles en harmonie, et leur réflexion commune sur la façon d’investir l’espace à la manière d’un paysage.

En résonance avec leur proposition plastique et leur attrait commun pour un répertoire musical éclectique, Juliette Buschini et Théophile Sartori choisiront chacun 5 morceaux mêlant punk et soundtracks populaires. Nicolas Thirion, musicien et compositeur, interprètera ce mash-up sonore dans l’espace d’exposition des Ateliers Vortex. Cette performance live fera l’objet d’une captation vidéo, diffusée sur Youtube et les réseaux sociaux.


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Photographies : © Les Ateliers Vortex, 2021

IN TWO III

21 janvier —
12 février 2022


EXPOSITION D’IVÀN CHAVAROCHE & VIOLENCE HUMBERT-SEGARD PERFORMANCE SONORE DE LEA TANIA LO CICERO & NICOLAS THIRION

Exposition 21 janvier – 12 février 2022

> Ivàn Chavaroche <

> Violence Humbert-Segard <

Les ténèbres du quotidien s’abattent sur quiconque tente de s’en extraire. L’infernal diktat de la peur, maîtresse de tout destin, s’installe comme un tuteur. L’on tremble d’être à ce point submergé par le réel, immobile, transcendé par sa condition propre. Dans la nervosité florissante, seuls demeurent les yeux écarquillés : impossible de rebrousser chemin.

Pétri de nausées, il faut échapper à l’ordinaire et se jeter à corps perdu dans la fragilité des illusions. Puisque la fuite ne peut se faire au dehors, elle se fera tout au creux du lucide. Il va lui falloir faire le deuil de ce monde qu’il a quitté ; embaumer sa nostalgie et mettre en bière ses souvenirs. En extraire quelques engrammes pour en faire des reliques.

Il n’est d’autre choix que de narrer les éclosions de l’abîme. Gonflant l’absurde qui en devient rutilant, l’on s’esclaffe devant le pire car le règne irréfutable de l’angoisse condamne à pouffer. Convulsant violemment, désarticulé par de fiévreux délires, l’hôte jusqu’alors baillonné par le ridicule s’en verra délivré.

S’il est des larmes sans valeur, aucun rire ne trompe sur la peur qu’il occulte. Il est comme un petit bond : infime dérogation à la condition terrestre.

Cynisme épanché, l’on laisse des traces pour ne plus jamais être là : vestiges d’un quotidien minable et forcément minable puisque quotidien.

Crispé, sourire béant : mourir de rire, c’est mourir quand même. »

Charmant Bourreau, 2022


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> Performance Vernissage IN TWO III <

> Performance Finissage IN TWO III <


Crédits photographiques : © Thai Binh Phan Van, 2022

IN TWO

27 janvier —
10 février 2021


CHARLES THOMASSIN ET MARION LEMAÎTRE

JAMES TENNEY PAR ANNE BRISET

EXPOSITION ET PIÈCE SONORE

Exposition 27 janvier – 10 février 2021

> Marion Lemaître <

> Charles Thomassin <

« Marion, Charles, Qu’est-ce que l’entropie ? Il y a beaucoup de façons d’expliquer ce processus. Je choisis, pour ma part, un exemple : nous faisons un tas de sable sur la plage, ou un trou dans le sable, cela revient au même. Le tas ou le trou, et tout ce qui les constitue, sont à un endroit de la plage bien localisable. En termes de physique, on dira que la plage constitue un ensemble ordonné : à tel endroit le tas ou le trou, ce que les constitue ; partout ailleurs, rien qui soit en rapport avec ce que nous avons produit. La marée monte. Le tas de sable ou le trou dans le sable disparaissent progressivement. L’ordre qui existait commence par décliner : ce qui était là est désormais, pour une part croissante, ailleurs, c’est-à-dire vis-à-vis de l’ordre qui existait, n’importe où. A la fin, il n’y a pas plus de raison de chercher la trace de ce que nous avions produit ici que là, sur la plage. L’entropie est alors maximale. Car l’entropie est la mesure d’un état de désordre dans un ensemble ordonné.

L’entropie mesure aussi la diminution du niveau d’énergie dans un ensemble clos, séparé de son environnement. Le tas de sable ou le trou dans le sable ont été produits grâce à une dépense d’énergie musculaire de nos bras. On pourrait dire que cette énergie, en tant que nécessaire pour que le tas ou le trou agrègent, d’une certaine façon, des grains de sables et de l’eau, tenant ensemble, a été comme incorporée à cet ensemble de sable et d’eau, à la forme qu’ils constituent. Quand la marée monte, cette énergie ne suffit plus à maintenir la forme qui peu à peu s’effrite, disparaît. Lorsque la forme a disparu, l’entropie, comme mesure de la diminution de l’énergie contenue dans un système, atteint son maximum.

L’entropie est et n’est pas une fatalité. Elle l’est parce qu’il n’est pas possible de la stopper. Au mieux, on la ralentit. Mais le terme reste, inévitable. Elle n’est pas fatale parce que le processus de l’entropie – on pourrait parler paradoxalement de force entropique – peut être retourné contre lui-même. C’est-à-dire que ce qui désordonne va être utilisé pour réordonner ; ce qui supprime l’énergie va être utilisé pour produire une nouvelle énergie. C’est ce qu’a fait Robert Smithson. Smithson utilise le processus entropique qui détruit l’ordre d’un paysage, qui supprimant l’énergie qu’il contient, l’amène vers la mort, l’immobilité lunaire. Il l’utilise contre lui-même, en créant des formes à partir d’un état de dégradation (de l’ordre et de l’énergie) déjà très avancé. Smithson utilise pour cela essentiellement des minéraux, des pierres, des cristaux, parfois aussi des éléments empruntés au monde industriel. Des pierres, avec des faces taillées, appartenant à différents mondes historiques et géologiques, tenues et soutenues parfois par des éléments de métal qui viennent du monde de l’industrie, du chantier, du travail, c’est bien ce que tu utilises, Marion, lorsque toi-aussi tu retournes le processus entropique contre lui-même ?

Ed Ruscha, par d’autres moyens, picturaux, ou dérivés du pictural, a opéré le même retournement vis-à-vis d’un aspect de l’entropie qui ne regarde plus la physique mais les processus de la communication. Dans ses peintures, Ruscha utilise des signes très dégradés dans leur capacité de signifier : Hollywood, Boss, Ouf, Standard, Adios, etc. Les mots, mais aussi les images, dès lors qu’on les utilisent comme signes, s’usent, se dégradent, deviennent « bruit » (bruit linguistique ou bruit optique), à mesure qu’on les utilise, pour tout et pour rien, jusqu’à n’être plus que des rebuts, déchets du processus communicationnel, flottant à sa surface. Mais il suffit de récupérer ces bribes de sens, avant leur disparition, de les agencer, les « serrer » ensemble, dans un nouveau processus communicationnel, un processus non plus épuisé, mais actuel, toi, moi, lui, pour retourner la puissance entropique contre elle-même. N’est-ce pas ce que tu fais, Charles, avec des fragments d’affiches, d’imprimés, agrégés à des mousses, serrés par des sangles ? Tiens, encore ce qui vient du travail : sangles de déménageur, d’assembleur de mobilier.

L’épidémie accélère l’entropie qui désagrégeait toujours plus vite et profondément tout ce qui, avant elle, ne tenait plus que par miracle, dans notre si vieux monde : partis politiques et syndicats, démocratie parlementaire, institutions, et en premier lieu les écoles, structures dites culturelles, etc. Tout demeure et peut demeurer longtemps par simple inertie, comme un vêtement de travail qui a force d’être porté garde la forme du corps absent. Quoi ensuite ? Du pire ou du meilleur, cela ne dépend que des hommes. Marion, Charles, qu’est-ce que l’entropie ? Réussirons-nous ? »

Pierre Guislain, 2021

Pierre Guislain est professeur de philosophie à l’Ecole Nationale Supérieure de Dijon, enseignant de philosophie à l’Université de Bourgogne, auteur de plusieurs livres sur le cinéma.


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Photographies : Les Ateliers Vortex

LOUCHE

4 septembre —
3 octobre 2020


LOUCHE

Exposition 4 septembre — 3 octobre 2020

> Ken Sortais <

Le plumage est sombre, l’œil fixe et menaçant laisse entrevoir le théâtre du drame à venir. Si Opera du cinéaste italien Dario Argento s’ouvre sur le regard prismatique de l’oiseau de mauvais augure, celui-ci vient clore l’exposition de Ken Sortais par une présence discrète. À la manière d’un scénario horrifique dans lequel l’étau se resserre sur la proie, Ken accule le visiteur dans un repère de volatiles. Seule présence humaine jusque-là tolérée, le Moïse pétrifié témoigne du désir de vengeance des créature à plumes.

Composant son exposition comme un tableau de chasse, Ken Sortais dévoile, pour partie, les rouages de ses obsessions. Promeneur solitaire, c’est d’abord par l’exploration urbaine et la recherche en ligne qu’il identifie l’objet de son récit. Il s’approprie ainsi des images qu’il détourne, des formes qu’il réplique par le moulage. De la rue il passe à l’atelier et emprunte au passage à la culture du graffiti, écho à sa vie antérieure. Abandonnant une pratique nocturne interlope, il recentre son champ d’intervention sur l’espace à investir.

C’est ici que la vision se trouble. Ken Sortais obscurcit et transforme la salle. De la chouette, emblème unique et chéri, il fait une nuée qu’il saccage dans un réflexe adolescent. Des têtes de pigeons difformes sont lacérées et frottées, dans une veine tentative d’effacement. Mais d’étranges formes rebondies et charnues semblent s’interposer, temporisant la violence de ses gestes. Icônes classiques et cartoonesques, sculptures à la sensualité picturale, et installations monumentales emplies d’air, parachèvent l’esprit duel du travail de Ken Sortais. Cette dualité semble louche à tous points de vue : résultant du regard divergent que l’artiste pose sur son environnement, elle sème le trouble, laissant derrière elle un sentiment vague de malaise, d’inquiétude.

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal 1, les oiseaux prennent possession des Ateliers Vortex et Ken Sortais nous invite à pénétrer le nid.

1. Jose Maria de Heredia,  « Les conquérants », Les trophées, Paris, Gallimard, 1981 [1893].

Marion Payrard


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2020

LOUCHE

4 septembre —
3 octobre 2020


LOUCHE

Exposition 4 septembre — 3 octobre 2020

> Ken Sortais <

Le plumage est sombre, l’œil fixe et menaçant laisse entrevoir le théâtre du drame à venir. Si Opera du cinéaste italien Dario Argento s’ouvre sur le regard prismatique de l’oiseau de mauvais augure, celui-ci vient clore l’exposition de Ken Sortais par une présence discrète. À la manière d’un scénario horrifique dans lequel l’étau se resserre sur la proie, Ken accule le visiteur dans un repère de volatiles. Seule présence humaine jusque-là tolérée, le Moïse pétrifié témoigne du désir de vengeance des créature à plumes.

Composant son exposition comme un tableau de chasse, Ken Sortais dévoile, pour partie, les rouages de ses obsessions. Promeneur solitaire, c’est d’abord par l’exploration urbaine et la recherche en ligne qu’il identifie l’objet de son récit. Il s’approprie ainsi des images qu’il détourne, des formes qu’il réplique par le moulage. De la rue il passe à l’atelier et emprunte au passage à la culture du graffiti, écho à sa vie antérieure. Abandonnant une pratique nocturne interlope, il recentre son champ d’intervention sur l’espace à investir.

C’est ici que la vision se trouble. Ken Sortais obscurcit et transforme la salle. De la chouette, emblème unique et chéri, il fait une nuée qu’il saccage dans un réflexe adolescent. Des têtes de pigeons difformes sont lacérées et frottées, dans une veine tentative d’effacement. Mais d’étranges formes rebondies et charnues semblent s’interposer, temporisant la violence de ses gestes. Icônes classiques et cartoonesques, sculptures à la sensualité picturale, et installations monumentales emplies d’air, parachèvent l’esprit duel du travail de Ken Sortais. Cette dualité semble louche à tous points de vue : résultant du regard divergent que l’artiste pose sur son environnement, elle sème le trouble, laissant derrière elle un sentiment vague de malaise, d’inquiétude.

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal 1, les oiseaux prennent possession des Ateliers Vortex et Ken Sortais nous invite à pénétrer le nid.

1. Jose Maria de Heredia,  « Les conquérants », Les trophées, Paris, Gallimard, 1981 [1893].

Marion Payrard


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Photographies: © Les Ateliers Vortex, 2020