Élisa Pône dans cette nouvelle exposition convie l’évanescence de la fumée et la perception de la couleur à se confondre. La couleur ne brûle pas, pièce co-réalisée avec Stéphane Thidet, en posait le postulat lors de sa dernière exposition, Le Goût Du Mercure, à la galerie Michel Rein. En effet elle ne brûle pas mais se diffuse par intensité de longueurs d’ondes, en d’autres termes par fréquence. Ainsi les dessins Chromocombustibles émanent et tirent profit du spectre chromatique de la lumière blanche diffractée par un prisme. Ces dessins mêlent l’encre, les résidus d’expériences et le collage; ils figent la fugacité du fumigène, de la couleur et relatent l’empreinte d’une énergie consumée.
La pyrotechnie est rattachée à l’histoire militaire, et le fumigène ne déroge pas à la règle. L’écran de fumée est une tactique employée dans le but de masquer une position lors d’un affrontement ou de disperser les foules lors de manifestation. Élisa Pône, à cet emploi militaire, préfère lâcher la proie pour l’ombre et dévoiler ses observations. Ainsi les modules présents dans l’exposition sont tels des tables d’expérimentations où les résultantes colorées y sont cristallisées. Un spectre pyrotechnique en suspension dont nous n’observons que les excédents diaphanes dans de petits cloisonnements aux parois de verre asymétriques. Ses nouvelles pièces sont empreintes des recherches d’artistes, de mystiques et de scientifiques qui de Robert Fludd à Hilma af Klint en croisant Johann Wofgang von Goethe et Joseph von Fraunhofer, convoquent les appréhensions et théories divergentes suscitées par le spectre chromatique, un espace à dessein élargi par l’artiste, à mi-chemin entre subjectivité et objectivité qui lui octroie une liberté d’exécution.
Que reste-t-il d’une étincelle, d’une traînée de poudre consumée, de cette évanescence? À cette question le film présent dans l’exposition tente d’en donner une digression. Succession de plans séquences d’où les lignes abstraites et géométriques amorcées par systèmes pyrotechniques tendent à en livrer une résolution et où la captation impose un processus d’effacement, l’inscription d’une trace. Ce processus filmique apparaît comme l’évolution d’une installation précédente, À égale distance du présent, où Élisa Pône traçait la fragilité de l’instant et dans laquelle mèches noires et pans de verre, deux matériaux distincts, se frôlaient dans une étrange porosité.
Dans ses pièces, Élisa Pône capte l’événement, le mouvement, par des dispositifs adressant l’impact minimal et résiduel de l’effet spectaculaire pyrotechnique. Ainsi dans cette exposition, l’ombre des fumigènes colorés ondoie tout en équilibre opalescent et réfute leurs apparitions.
— Guillaume Hervier-Lanot
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Photographies: © Cécilia Philippe, 2013